L'ombre de nos âmes ~ tome 1

✦ Chapitre 3.3 ✦

[ 🚨 ATTENTION SCÈNES POUVANT HEURTER LA SENSIBILITÉ DANS CETTE PARTIE 🚨]

— À vrai dire, c'est au sujet de ce que tu as dit hier. Avec Aodren, n'étiez-vous pas... amis ? osa-t-elle enfin demander, peu sûre du qualificatif qu'elle avait employé.

Le sourire ravageur qui siégeait sur le visage de Loig s'évapora. Alors qu'une armée de mots se bousculait dans sa tête, une petite voix – sa conscience peut-être – lui murmurait un avertissement incisif : « Elle cherche la vérité... »

— Oui, mais... C'était il y a longtemps, répondit-il succinctement.

Sans calcul, Loig croisa le regard glaçant d'Envel. D'ordinaire contenu voire inexpressif, l'aîné des princes semblait anxieux. Plus exactement, il l'était, car les questions de leur sœur faisaient renaître en lui des souvenirs chargés d'amertume.

— Il n'y avait pas beaucoup d'enfants au château. Alors, on s'occupait comme on pouvait. Nous n'étions pas en peine. Corentin trouvait toujours le moyen de faire rager notre gouvernante.

La voix de Loig se cassa sans prévenir, mais il reprit rapidement le fil de ses propos.

— Nous passions donc le plus clair de notre temps à la fuir. C'était un jeu idiot, je te l'accorde ! Mais nous n'étions que des gamins après tout.

Le prince marqua une pause. Aélys était pendue à ses lèvres et Envel rongeait son frein.

— Je me cachais souvent dans la forge, certain qu'elle ne viendrait jamais m'y chercher. Je ne saurais dire pourquoi, notre bonne vieille Ormal avait les hommes en horreur, alors, passer le seuil d'un endroit grouillant de seigneurs et de manants, tu penses... Toujours est-il que c'est comme cela que j'ai rencontré Aodren. Le temps a passé et nous avons tissé... des liens.

Loig retint le mot amitié à dessein. Objectivement, il ne savait pas comment qualifier les rencontres effilochée qu'il avait eu naguère avec un fils de forgeron.

— J'aimerais comprendre. J'étais toute petite à l'époque et pourtant, j'ai l'impression d'en avoir des souvenirs...

— Tu étais une petite puce, répéta-t-il affectueusement. Quatre ans à peine, si je compte bien... Tu sais, ce n'est pas dans l'ordre des choses de perdre sa maman à cet âge-là ! Et si seulement il n'y avait eu que cela, mais tu as aussi perdu un frère et une sœur. C'est normal que tu essayes de combler ce vide...

Loig avait touché un point sensible. Il passa son bras dans le dos de sa sœur pour la réconforter.

Aélys baissa la tête, bouleversée. Son subconscient la replongea un instant dans sa détresse d'enfant. Elle se ressaisit bien vite, insatisfaite du détour que prenait Loig pour ne pas lui répondre.

— Oui, peut-être... Mais je voudrais savoir ce qu'il s'est vraiment passé.

— Toute vérité n'est pas bonne à dire, souffla Envel, qui voulait épargner sa sœur.