Chapitre 3

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La nuit était tombée depuis quelques heures. Il était dans les alentours de 22h. Plus de douze heures s'étaient donc écoulées depuis la disparition des adultes. La supérette avait été dévalisée de ses barres de chocolats, de ses chips et de ses sodas que les enfants mangeaient et buvaient en silence, assis çà et là dans le square. Des groupes plus ou moins larges florissaient depuis que le jour avait commencé à décliner, s'abritant sous des tentes ou à l'intérieur de sacs de couchage. On aurait dit un camp de réfugiés pour mineurs.

Les théories allaient bon train sur la cause de tout ça. Certains disaient que c'était une expérience du gouvernement. D'autres assuraient que c'était un coup des extraterrestres, allant presque jusqu'à jurer avoir vu une soucoupe volante au-dessus de la ville au moment des disparitions. D'autres encore pensaient à une punition divine. La seule chose de sûre, c'était l'âge des disparus : ils avaient plus de 15ans. À part ça, ils flottaient dans le mystère.

Marie Terrafino, une adolescente de 14ans, avait ouvert la garderie à côté de l'église pour y réunir les plus jeunes enfants qui n'avaient personne pour s'occuper d'eux. Son frère de 13ans, John, l'aidait comme il le pouvait, ainsi que deux sœurs jumelles du même âge que Marie, Anna et Emma. C'était la seule à avoir pensé aux tout petits.

Tressie, assise elle aussi sur l'herbe du square de la place centrale, était toujours entourée de ses trois amis. Le frère de Stessie, Max, 10ans, leur tenait compagnie. Blotti contre sa sœur sous un plaid qu'ils avaient pris dans leur maison sur Océan Boulevard, il grignotait le reste d'un Snickers. Des emballages et boîtes de conserve trainaient dans un sac à côté d'eux, souvenir de leur repas. Tressie était allée chercher tout ça à la supérette et, par acquit de conscience, avait laissé un billet de cinq dollars sur le comptoir. Ce dernier s'était volatilisé aussi vite que le reste.

La jeune fille avait pris une douche et portait désormais un sweat à capuche bleu nuit à l'effigie de son équipe de baseball favorite, les Sea Sharks de San Diego, la ville où elle était née et avait grandi jusqu'à ses 9ans. Ensuite, ses parents avaient eu un poste intéressant dans la centrale nucléaire de Perdido Beach et ils s'étaient installés ici, où son petit frère était né 5ans plus tôt.

Depuis son retour sur la place, des enfants ne cessaient de venir lui parler. Certains lui exprimaient leur admiration pour sa tentative de sauvetage, d'autres lui demandaient son avis. Ils ne savaient pas s'ils devaient rester ici ou rentrer chez eux. Tressie leur répondait généralement de faire ce qui leur paraissait le mieux et ils partaient en la remerciant. Comme s'il venait de leur offrir un conseil qui n'avait pas de prix.

Sam recevait le même genre de visite. Il semblait leur indiquer plus ou moins la même chose. En se jetant dans cet incendie, les deux pompiers amateurs avaient, sans le vouloir, gagné la confiance et le respect de cette bande de gamins déboussolés. Malgré tout, ils n'étaient pas moins paumés qu'eux, au contraire ! Mais ils relativisaient en se disant que s'ils pouvaient les apaiser, ne serait-ce qu'un tout petit peu, alors... ils étaient capables de faire semblant.

Mike, Stessie et Mikey tentaient de changer les idées de leur amie en enchaînant les pitreries, mais c'est à peine s'ils récoltaient un sourire. Comment pourrait-elle penser à autre chose que la mort de Lisa quand son cadavre reposait toujours près de la ruelle ? Aucun d'eux ne savait quoi en faire. Quelqu'un avait toutefois eu la présence d'esprit de le couvrir d'un drap blanc. L'idéal aurait été de l'enterrer, seulement, personne n'avait le cœur à ça...

Mais la petite fille n'était pas le seul élément qui occupait les pensées de Tressie. En dépit de sa grande affliction, les regards incessants que lui jetait Sam depuis la fontaine où il était assis avec Quinn et Astrid ne lui échappaient pas. Le garçon semblait vouloir autant qu'elle parler de ce qu'ils avaient vu. Lui aussi devait penser jusqu'à ce soir être le seul « mutant ». Or, ce n'était pas le cas. Ils étaient deux. Voire plus.

Gone [T.1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant