Gone [T.1]

Chapitre 9

Tressie, s'étant levée assez tôt ce matin-là, marchait d'un bon pas dans Alameda Avenue. Sa destination ? L'hôtel de ville. Après une nuit entière de réflexion, elle était plus déterminée que jamais à parler à Caine du comportement des shérifs. Elle espérait sans trop y croire qu'il allait agir. Et s'il ne faisait rien, ou pire : s'il refusait de l'entendre, ça lui confirmerait juste l'impression qu'elle avait de lui.

Elle était passée au préalable à la caserne pour prévenir qu'elle aurait du retard. La jeune fille était en revanche restée très évasive sur la raison. Elle ne voulait pas s'étendre en présence de Quinn et Edilio, qui ne partageaient pas les mêmes savoirs que Sam et elle au sujet de la Zone et des effets... étranges qu'elle avait sur certains enfants. De plus, n'avait pas encore assez confiance en eux.

Elle arriva sur la place qui, pour la première fois en trois jours, était presque vide. Tous ou presque semblaient un peu plus accepter la situation, ou du moins, c'est ce qu'ils montraient. Tressie elle-même faisait bonne figure, mais au fond, elle avait toujours cette terrible envie de s'enterre sous un monceau de grosses couvertures avec un pot de glace à la vanille et ce jusqu'à ce que ses parents viennent la débusquer pour lui dire que tout était terminé. Seulement, par principe, elle s'abstenait et enfouissait ses besoins tout au fond de son cœur. Elle se devait de faire front avec ses amis.

Sortant de ses pensées, elle se dirigea vers l'hôtel de ville de Perdido Beach. Le bâtiment ressemblait à une mairie des plus basiques avec ses colonnes en marbre, ses nombreuses fenêtres grillagées et ses hauts murs blancs. Le nom de la ville, en grosses lettres dorées, surmontait la devanture. Quelques fleurs décoraient l'entrée. Elles risquaient de rapidement faner si personne ne s'en occupait, mais Tressie doutait de la motivation des enfants à jouer les apprentis jardiniers.

Elle grimpa les marches en pierre, poussa l'épaisse porte en bois et pénétra dans l'enceinte du bâtiment. Elle fut accueillie par une atmosphère beaucoup plus fraîche qu'au-dehors. Ça s'expliquait par la climatisation lancée à plein régime. Son vrombissement résonnait de manière presque irréelle dans ce vaste espace complètement vide. Ça lui provoqua un frisson.

À la recherche de son chemin, l'adolescente observa l'immense hall sobrement décoré. N'en ayant jamais eu l'utilité, elle n'était jamais entrée dans cet endroit. Un grand escalier se séparant en deux en son milieu attira son attention. Le bureau du maire devait être au premier étage et elle pariait que Caine y avait élu domicile.

Sans plus tergiverser, elle s'avança vers les marches en marbre blanc et les monta avec lenteur. Elle en profita pour réfléchir à ce qu'elle allait dire exactement. Comme elle avait pu le constater, l'élève de Coates était un fin manipulateur au vocabulaire fourni. Il allait donc à coup sûr essayer de l'assommer avec ses phrases toutes faites, mais heureusement, Tressie savait elle aussi comment jongler avec les mots. Au moins aussi bien que lui.

La jeune fille, non sans amertume, songea qu'elle aurait préféré que Drake l'accompagne. Mais avec ce qu'il avait dit la veille au soir, elle savait que ça aurait été inenvisageable. Il adhérait aux idées de Caine et il aurait encore une fois tenté de la dissuader d'aller lui parler. Ami ou pas, elle ne le laisserait pas lui mettre des bâtons dans les roues. Ni lui, ni personne d'autre.

Elle arriva au sommet des marches et avança dans le long corridor jusqu'à discerner des voix derrière une porte, sur sa gauche. Tressie se dirigea vers elle et allait frapper, quand son geste fut stoppé au moment où son poing s'apprêtait à atteindre la cloison. Les sourcils froncés, elle se mit à écouter la discussion se déroulant de l'autre côté entre ce qui semblait être Caine et Diana. Le mot « pouvoir » venait d'être prononcé.

– Caine, tu te rends bien compte que je ne peux pas aller serrer la main à chaque enfant de la ville, pas vrai ? disait la voix de Diana, agacée.