Chapitre 6

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J'ai fait plusieurs essais dans l'endroit où on allait souvent avec Willie après les cours : c'est un bâtiment abandonné où plus personne ne met les pieds, il se trouve à la lisière d'une forêt qui n'est pas très loin en bus. J'ai fait plusieurs essais là-bas en évitant soigneusement mon cousin et je me retrouve devant le portail du garage de Julie. Elle a très vite été emballée par l'idée comme les garçons d'ailleurs : il a juste fallu demander à son père qui a très vite donné son accord à condition qu'il voit d'abord certaines des oeuvres de l'artiste en question. C'est-à-dire moi !

- Tu vas quand même pas les voler ? me demande Luke.
- Et tu veux que je fasse quoi ?
- Je sais pas, dessiner de nouveaux dessins.
- Sauf que là tu demandes de voler un magasin ! Sauf si tu veux que je dessine sur ton carnet ! je lui dis avec un sourire ironique.
- Ouais, non ! Je viens avec toi !

C'est comme ça que j'ai réussi à avoir des dessins pour Julie et que son père a pu donner son accord. Suffit juste que j'avance sans que son père ou son frère soient là ! Ou plutôt qu'ils ne voient quoi que ce soit ! J'ai passé toute la journée à juste tracer les contours sur la porte du garage quand Julie revient de l'école accompagnée de Flynn.

- Mais c'est trop génial ! dit sa meilleure amie.
- Carrément ! Salut Nickie ! dit Julie.
- Salut Julie !
- Attends ! Elle est là ? Salut ! s'exclame Flynn en agitant sa main dans ma direction à laquelle je réponds.
- Elle a hâte de voir le travail quand ce sera fini, m'annonce Julie avec un grand sourire.
- Fin de semaine, si tout va bien, j'annonce même si je ne suis pas trop sûre de moi.
- Tout va bien ? me demande Julie, perplexe.
- Ouais, c'est juste...

Je m'arrête de parler quand je vois Carlos, le petit frère de Julie, arriver dans les parages. Il est toujours là lui, il ne travaille jamais ! Julie rigole à ma tête et je lui fais une grimace en guise de réponse.

***

Foncée, claire ? Pourquoi fallait-il que je me dispute avec mon cousin ? C'est lui qui a toujours eu le dernier mot au niveau de la couleur ou son degré de brillance. Argh ! C'est énervant ! Des bombes et des bombes de partout ! De toutes les couleurs ! Je ne sais même plus où mettre la tête tellement il y en a trop.

- T'as l'air perdu ? dit Julie en sortant du garage après leur répétition.
- Ouais, c'est juste... enfin bref ! C'est pas important.
- Willie ?
- C'est si évident ? je lui demande.
- On va dire que je commence à te connaître.

Je secoue un peu la tête et frotte mon nez avec ma manche en reniflant. Je déteste me disputer avec Willie, et pire quand c'est pour des broutilles !

- C'est juste une dispute, ça va passer, je lui dis, ni croyant pas un mot.
- Ça va passer ? Ça fait déjà une semaine, non ? me demande-t-elle.
- On a juste trop de fierté tous les deux pour faire le premier pas.

On a toujours eu de très grosses disputes avec mon cousin et, à chaque fois, on mettait des jours à se pardonner et à oublier : on n'aime jamais parler de nos problèmes !

- C'est juste que l'on se reproche la même chose, je lui dis.
- Carrément ? pouffe l'adolescente.

J'approuve d'un sourire et rigole avec elle. Ça peut paraître bête mais, à chaque dispute, la raison est la même des deux côtés.

- Vous devriez vous laisser du temps, vous venez juste de vous retrouver, me dit-elle d'une voix douce.
- Je sais mais, ça a toujours été comme ça entre nous, je lui réponds. On s'aime tous les deux mais, le jour où ça doit clasher, ça va clasher.

Elle approuve et regarde les bombes de couleur qui sont posées par terre : j'ai peut-être un peu trop envahi l'espace en fait ! Quand je suis en pleine réflexion, je ne me rends jamais compte de l'espace que je prends. Mamamia ! J'ai une vie trop compliquée ! Je m'affale complètement sur le sol devant le garage en soupirant et je ferme les yeux en entendant le rire de Julie dû à mon comportement.

- Euh... Nickie ?
- Hum ? j'ouvre machinalement les yeux et tombe sur la tête de mon cousin. J'avais pas remarqué que t'étais moche vu d'en-dessous.
- T'es pas mieux tu sais, il me répond.

Je me lève pour me retrouver face à lui et je vois bien que Julie ne sait plus où se mettre. Même si on se lance des pics, ça se voit qu'il y a une fissure entre nous !

- Euh... j'ai vu que t'avais commencé un dessin sur la porte du garage et, comme je sais que t'as un peu de mal avec le choix des couleurs, je me suis dit que... peut-être... je sais pas.

Je secoue la tête en serrant les lèvres pour m'aider à réfléchir : j'ai l'impression que c'est sa manière de se faire pardonner ! Mais est-ce que j'en ai vraiment envie ? C'est mon cousin et je sais pas ce que je ferais sans lui ! Pourquoi a-t-il fallu que l'on se dispute ?

***

Je me retrouve au cimetière en plein coucher de soleil. Il y a encore du monde dans les allées à cette heure-là : des familles, des amis qui pleurent. J'avance petit à petit jusqu'à me retrouver dans l'allée de ma tombe où je m'arrête en voyant une personne devant celle-ci : qu'est-ce qu'il fait là ? Je m'approche doucement de lui et il relève sa tête vers moi pendant que je m'assois à côté de lui.

- Très belle citation, dit-il en regardant la tombe.
- Qu'est-ce que tu fais là ? je lui demande.

Pour seule réponse, il hoche les épaules sans dire un mot et un silence s'installe entre nous. Je viens ici que très rarement et, à chaque fois, je me dis : qu'est-ce que j'aurais pu faire pour que cela ne se produise pas ? Si je m'étais pas énervée, si j'étais pas partie comme ça, tout aurait changé. Et si j'avais tenu ma promesse à Willie ? Rien ne se serait passé comme prévu ! Je prends mes genoux dans mes bras et pose ma tête dessus.

- T'as fait ce que tu croyais être juste au moment où tu l'as fait. T'as même le droit de pleurer en te disant que tout aurait pu changé ce jour-là, dit-il.

J'ai pas envie de pleurer ! Je le sens bouger à côté de moi : il me prend dans ses bras et m'embrasse sur le sommet de la tête. Il me fait pleurer ce con !

- J'te déteste Reg ! je murmure en frottant mon nez avec ma manche.
- Non, tu m'aimes ! rit-il.

Je rigole avec lui en le serrant très fort dans mes bras et en mettant sa tête dans son cou : j'avais jamais remarqué qu'il sentait aussi bon ! On reste quelques minutes dans cette position jusqu'à entendre des bruits de pas dans notre direction nous faisant lever la tête. Je reste bloqué en la voyant venir ici mais me lève pour me décaler à côté de ma tombe suivie du bassiste.

- C'est...
- Camille, je dis dans un murmure.

Reggie ne dit plus rien et se colle à mon dos pour me prendre dans ses bras. Il pose sa tête dans le creux de mon cou en y mettant un baiser. On regarde Camille qui présente un visage fermé : elle a perdu de sa beauté et est complètement détruite par ma faute. Elle s'accroupit et pose la fleur sur ma tombe : j'ai jamais compris pourquoi les gens faisaient ça jusqu'à la mort de mon cousin.

- Je suis désolée que ça ait dû se passer comme ça, j'aurai dû te retenir ou peut-être... commence-t-elle à dire avant d'éclater en sanglots.

Même si j'ai plus rien ressenti sur la fin de notre relation, j'ai toujours voulu la respecter ! J'aurais dû le faire au lieu de la planter comme ça et me prendre une voiture en pleine face.

- Tu sais que tout aurait pu être différent, je me retourne et regarde Reggie dans les yeux.
- Comment ça ? il demande en fronçant les sourcils.
- Je dis juste que... je commence à dire avant de tourner mon regard vers Camille. J'aurai peut-être dû tenir la parole que j'ai faite à mon cousin.
- Tu pouvais pas savoir ce qu'il allait se passait Nickie, tu pouvais pas savoir. N'oublie pas ce que je t'ai dit ! T'as cru faire ce que tu pensais pour toi, commence-t-il à dire en me prenant la main et en tournant ma tête vers lui. Je veux juste que tu penses à toi et rien qu'à toi, ok ? finit il par dire en me regardant dans les yeux. Je veux que tu me promettes ça, s'il te plaît ?
- Je peux p...
- Si tu peux, parce que si tu le fais pas, je le ferai pour toi, me dit-il en m'embrassant le front.

How I became a PhantomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant