ꜱᴀɴɢᴜɪɴᴏʟᴇɴᴛꜱ - ᴀᴛᴛᴀᴄᴋ_ᴏɴ_ᴛɪᴛᴀɴ&0.7[1] ⌜ᵗᵒᵐᵉ ⁵⌟

Le calme avant la tempête - Partie 2

À l'ouest des Murs, 15 novembre 852

« Marion », l'appela sobrement Annie, « tu devrais vraiment dormir. » Mais l'intéressée, installée dans leur petite tente gardée par un Livaï absent de ses couvertures, continua d'étudier leur plan d'attaque à la lumière de sa lanterne.

Si elle se couchait, elle allait encore ruminer. Elle avait peur de ressentir de nouveau ce mélange insupportable d'espoir et de douleur à l'idée de retourner au vingt-et-unième siècle... Si la machine se trouve là. Mais, au vu de la façon dont cette base est gardée, ça ne m'étonnerait pas...

« Marion. » On posa fermement une petite main sur son bras ; elle sursauta, et se retourna illico vers Annie. Ses yeux glace la clouèrent de nouveau sur place. De nouveau... Non. Plus intensément encore qu'avant. Elle discernait tout juste sa pâle face en coeur, sous la flamme dansante de leur lampe à huile ; pourtant, cette seule vue lui poignardait les tripes.

Mike lui avait dit, qu'elle allait pouvoir rentrer. Retrouver son siècle, sa famille, le Antoine d'avant. Cependant... cela impliquait de dire adieu à son ami et sa sœur de ce jour. Et à Livaï et Hansi et Isaac et Annie. Tous ceux-là, elle n'allait plus jamais les revoir, même si elle les cherchait jusqu'au bout du monde.

Elle détestait cette guerre, mais sa victoire l'effrayait d'autant plus.

La blonde afficha d'ailleurs un air légèrement surpris. « Tu pleures », laissa-t-elle tomber. « Pourquoi ? » Hein... ? Elle s'apprêta à porter une main à sa joue. L'autre s'en chargea à sa place, et essuya l'unique larme s'étant échappée de son œil valide. La chercheuse en resta bouche bée, et les pupilles de l'autre n'en démordirent pas. Elles attendaient une explication. Une explication, envers le détecteur de mensonges vivant qu'était l'américaine. Soit je ne dis rien, soit je me lance...

« Tu sais, que je vais rentrer chez moi. » Le doigt froid de la semi-géante ne quitta pas la peau de la borgne. Un frisson plus tard, cette dernière déglutit, la gorge nouée. Parler à Annie était peut-être la partie la plus compliquée de tous ces au-revoir. Devait-elle vraiment passer en première ?

L'ex-ennemie baissa d'ailleurs le menton.

« Oui.

— Et... je ne vous reverrai plus.

— Je sais. »

Silence. Annie ne disait rien. Elle ne bougeait pas. Elle ne détachait pas ce bout de main de la figure de Marion. Plus encore : ce bout de main l'épousa un peu plus qu'avant. Qu'est-ce que j'ai à perdre ? Non, j'ai le temps. Il reste encore quelques jours de voyage, devant nous... Mais si elle remettait tout au lendemain, jamais n'allait-elle parvenir à faire ce qu'elle voulait faire. Jamais n'allait-elle oser. Alors, elle serra les dents. Elle se fit violence pour plaquer sa feuille contre le sol dur, se tourner bien plus franchement vers l'ex-ennemie, et poser sa paume sur la sienne.

Si elle se prit un air stupéfait, la scientifique ne le vit pas bien longtemps. Car elle raffermit sa prise, ferma les paupières, et amena Annie contre elle, le coeur battant à tout rompre. Et moi, je... « Je... », s'étrangla-t-elle. Quelques secondes. La plus petite passa doucement ses bras autour de son interlocutrice.

« Tu ? » murmura-t-elle. Marion inspira un bon coup, et crispa légèrement ses doigts sur la taille musclée de la blonde. Non, elle ne pouvait pas. C'était ainsi, cela arrivait. « Rien », rit-elle nerveusement. « Je me dis juste... que ça sera étrange, sans toi. » Ces paroles seules lui mirent le feu aux joues.

D'autant plus car tous les muscles de l'américaine s'étaient figés d'un coup.

Seuls les pas des gardes et les crépitements des feux de camp brisèrent le silence qui suivit. J'en ai trop dit, pensa Marion, l'œil clos. Forcément. La figure de Leah se superposa à celle d'Annie avec cruauté. Cette scène, elle était trop familière, encore. Quand cet enfer allait-il s'arrêter ? Chaque parcelle de sa peau sentait celle qu'elle enlaçait, tout comme elle avait enlacé la Résistante. Je ne sais même pas si je peux les comparer...