Bienvenue, malvenus - Partie 4

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Shiganshina, 20 septembre 852

Restrictions des droits, et interdiction de posséder des armes... Seules ces pensées tournoyaient dans l'esprit assombri de Marion. Elle se souvenait tout juste qu'elle était assise sur son lit. Que Kenny et Rebecca racontaient toute cette étrange histoire de machines à voyager dans le temps aux juges, et que les uniques personnes présentes dans la pièce étaient Livaï et Carla.

Carla. Allait-elle également être jugée ? Elle s'était rangée chez les USA, au début. Et Annie ? Ils vont certainement condamner tout américain à mort. Ses dents se serrèrent avec lenteur. Et de longs instants coulèrent ainsi. Elle crut bien, à un moment, qu'une ou deux dents allaient sauter. J'ai déjà deux molaires en moins, ironisa-t-elle. Alors, peu importe...

« Marion ! » Elle releva brutalement la tête, hagarde. Son œil vert rencontra l'ambre de ceux de sa sœur, accroupie en face. Son épaisse couette basse et brune glissait sur l'épaulette de sa veste du Bataillon d'Exploration. Son visage longuement triangulaire, son nez légèrement pointu, ses sourcils irréguliers froncés sous une irritation anxieuse...

Si, un jour, la borgne n'allait plus jamais pouvoir les revoir, elle n'allait pas y survivre.

« Quitte l'armée », laissa-t-elle tomber en français. L'intéressée hoqueta, pour contracter les mâchoires.

« Déserter ? Tu penses que je vais te laisser seule dans cette guerre ?

— Tu étais chez les américains, avant, murmura la châtaine.

— Et je suis venue.

— Tu ne comprends pas. Le Tribunal ne te fera pas de cadeau. Tu risques la peine de mort pour génocide volontaire. »

Carla durcit son regard, et attrapa ses mains ; la plus jeune tourna la tête, lugubre. Trop de visages familiers défilaient dans son crâne. Son père, sa mère, Leah. Leah... Il y avait sa lettre, juste sous son oreiller, à sa droite. Elle ne fit pas même attention à Livaï, qui observait tout autant cet emplacement d'un air sombre.

La voix de la Résistante résonnait encore dans son crâne. « Ne me sers pas un discours pareil », reprit Carla. Elle ne l'avait plus entendue depuis longtemps, et voici que ses derniers mots lui faisaient affreusement écho. « Ils jugeront à raison. » Et ses lèvres, ce baiser, lui semblaient plus réels que jamais. « Ils sont impartiaux, non ? On est au quarante-et-unième ! » Qui allait-elle devoir perdre, encore ? Quel cadavre allait-elle rencontrer, enterrer, pleurer ?

Elle ne voulait plus de tout cela.

« Et ils ne vont pas tirer au hasard...

— Va-t-en de là ! s'écria Marion. »

Son aînée recula sous l'horreur. Le caporal-chef se raidit tout autant, la bouche entrouverte. « Je ne veux pas que tu crèves, tu comprends ?! Que ce soit de la main des ennemis, des titans, ou des Divisions, je ne le supporterais pas ! J'ai déjà perdu Leah, et notre famille entière... » Une larme coula de son œil exorbité au possible. La douleur compressait son coffre au possible.

« N'empire pas les choses, avec tes valeurs à la noix ! hurla-t-elle d'une voix déchirée. C'est du chacun pour soi, tu le vois pas ?!

— Du chacun pour soi... ? souffla Carla. Je suis partie de chez maman, me suis engagée chez les américains, et ai mis ma vie en péril tant de fois, et toi, tu me parles de chacun pour soi ?!

— Oui, et...

— Ce n'est pas pour ta petite personne que tu t'es dénoncée au Tribunal, trancha fermement sa sœur. »

ꜱᴀɴɢᴜɪɴᴏʟᴇɴᴛꜱ - ᴀᴛᴛᴀᴄᴋ_ᴏɴ_ᴛɪᴛᴀɴ&0.7[1] ⌜ᵗᵒᵐᵉ ⁵⌟Où les histoires vivent. Découvrez maintenant