Le rouge et le blanc - Partie 1

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« Si un garde t'appelle, geins un coup. » « De la purée. Rien de plus. » « Bertolt ? D'accord, t'es encore vivant. » « Ta cellule est dégueulasse. » « Bois ce verre, plus vite, je n'ai pas que ça à faire. »

Qui était passé par ici ? Il ne le savait pas. Il ne reconnaissait plus les voix, n'entrapercevait pas même les visages. Il était perdu, là, au beau milieu du vide, les muscles hurlant sous la souffrance que cette contraction constante leur imposait. Cette obscurité lui arrachait presque les orbites. Non, elle les cramait sur place, alors qu'elles cherchaient la moindre flamme salvatrice.

Combien de temps s'était écoulé depuis son retour ici, les genoux douloureusement plantés dans la pierre froide ? Aucun rayon de soleil, aucun bruitage ne daignait le lui murmurer. Il voulait savoir, il voulait savoir, il attendait son bourreau autant qu'il le craignait. Il ne savait pas même si on le nourrissait à intervalles réguliers, il n'arrivait plus à compter le nombre de repas qu'on lui avait offert.

Et, surtout, comment allait-il survivre à ce traitement, à la diarrhée qui dégoulinait de son pantalon, au manque d'eau et de sommeil ?

Non... Cette pensée explosa presque dans son crâne. Il tenta de bondir, mais ne se récolta qu'une violente crampe dans le dos. Son cri terrifié, lui, fut illico étouffé par son bâillon. Sa bouche lui faisait mal. Tout lui faisait mal. Se cambrer, se mouvoir, il souhaitait se mouvoir, son corps l'urgeait à se mouvoir, ces chaînes l'en restreignaient avec trop de talent.

Alors, il ferma les yeux, enterré sous un désespoir cruel. Durant ces moments interminables, il avait au moins réussi à se retenir à une chose : percevoir la seule voix familière qui se promenait entre les murs du Bataillon. Cependant, jamais Annie ne s'était-elle montrée. Reiner allait-il venir ? J'ai échoué.

Cette pensée explosa presque dans son crâne. Il tenta de bondir, mais ne se récolta qu'une violente crampe dans le dos. Et alors qu'aucune larme ne pouvait plus couler de ses iris secs, des faces floues se dessinèrent avec labeur derrière ses paupières closes, presque collées par la saleté. Rien d'autre que des souvenirs, les seuls objets encore palpables autour de lui.

Si aucun d'eux ne venait, il allait devenir fou.

***

Base américaine Nord, 11 août 852

La pièce dans laquelle entra Sieg était terriblement simple. Rien que quatre murs gris, soutenant des étagères de bois parfaitement ordonnées. Au fond, une fenêtre déversait la lumière chatoyante du matin : elle étendait l'ombre de Rhys Reiss sur son bureau de pin ; dissimulait ses dossiers : mettait en valeur l'ordinateur posé à sa gauche. Le semi-géant salua son commandant, la main portée à sa tempe, mais on lui fit simplement signe d'avancer.

Alors, il referma le battant derrière lui. Ses bottes militaires claquèrent contre le sol de pierre. La chaise devant lui, il ne la prit pas. Il attendit qu'on lui fasse signe. Ce fut fait, tandis que les prunelles vairon de son futur interlocuteur le perçaient presque. Des cernes, remarqua-t-il.

« Cela fait un mois qu'on a perdu Hoover », dit sobrement son supérieur. « A l'heure actuelle, il doit se faire torturer. Je ne l'ai pas beaucoup côtoyé, mais je peux au moins affirmer qu'il n'aura pas la force de résister. Sieg. » L'intéressé hocha la tête, manquant de faire glisser ses lunettes sur son nez en bloc. « Tu supervisais leur entraînement, à lui et son alter-ego. Tu les connais mieux que moi. Que penses-tu de la situation ? »

Il manqua de froncer ses fins sourcils blonds. Pourquoi me le demander aussi tard ? Cependant, son visage triangulaire à la légère barbe conserva son sérieux et son impassibilité.

ꜱᴀɴɢᴜɪɴᴏʟᴇɴᴛꜱ - ᴀᴛᴛᴀᴄᴋ_ᴏɴ_ᴛɪᴛᴀɴ&0.7[1] ⌜ᵗᵒᵐᵉ ⁵⌟Où les histoires vivent. Découvrez maintenant