Les vieux jours - Partie 1

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Baden-Baden, République Fédérale d'Allemagne, 31 août 1985

Iris Ralle était tranquillement assise sur l'une des balançoires de son petit jardin. A sa droite, Isis, sa fausse jumelle aux tresses rousses et en bazar, tapait du pied. Sur son visage rond, une impatience croissante, merveilleusement éclairée par le soleil chaud d'été.

Non loin se trouvait la caserne militaire dans laquelle travaillait leur père. Ils étaient bien calés, dans cette maison de béton, au toit dont le rose mate semblait presque fondre. Oui, il était agréable d'être ici, emmitouflées dans les chants d'oiseaux, le crissement des criquets, et les bruits du bois travaillant au-dessus d'elles. Mais, naturellement, cela ne dura pas longtemps.

« C'est quand qu'arrive Anna ? » bougonna sa sœur. Iris remit nerveusement ses lunettes rectangulaires sur son nez. Elle ne savait pas vraiment où se trouvait Lyon, mais au moins devinait-elle aisément qu'il y en avait, de la route à faire. Du haut de ses sept ans, elle ne se la figurait toutefois pas vraiment. Un jour ? Douze heures ?

Toujours était-il que leur cousine allait débarquer d'une minute à l'autre... fait vérifié par une exclamation joyeuse qui s'échappa de la fenêtre de la cuisine.

Isis bondit illico sur ses pieds, un grand sourire ravi étalé sur sa face ; Iris descendit plus précautionneusement, mais suivit avec autant d'entrain. Et, lorsqu'elles pénétrèrent la pièce étroite, aux meubles de bois brun et à la table fleurie, elles se ruèrent sur la jeune femme au longues mèches châtaines qui se trouvait en son centre.

« Anna ! » s'exclama Isis. « T'as mis du temps ! Pourquoi ?! » L'intéressée rit brièvement, pour poser ses yeux bleus sur elles deux. « J'ai dû prendre quelqu'un en chemin », expliqua-t-elle. Elle se décala légèrement, les mais fourrées dans sa blouse blanche de scientifique.

Une autre personne, plus petite, plus blonde, et certes plus âgée, donnait poliment son sac à Astrid Ralle.

« Nathalie, voici Iris et Isis. Iris et Isis...

— ... voici Nathalie ! compléta cette dernière avec fierté. T'as vu, j'ai deviné !

— C'est qui ? questionna Iris. Elle fait partie de la famille ? »

Les deux adultes échangèrent un court regard. Iris ne sut pas quoi y lire. Si, peut-être un peu d'hésitation. « C'est... une amie qui m'est chère. On peut dire ça comme ça. Enfin ! » Elle tira une chaise de bois à elle, et s'y assit en soupirant. « Comme d'habitude, vous n'allez pas me lâcher jusqu'à ce que je reparte. Chér... » Elle retint une grimace. « Chère Nathalie », compléta-t-elle obséquieusement, « je t'invite à prendre place autour de cette merveilleuse table, sur laquelle s'étaleront bientôt de jolies cartes. » L'intéressée hocha la tête, non sans remettre sa robe crème en place.

« Et t'as quel âge ? lança Isis de but en blanc.

— Eh, chuchota sa sœur. On demande pas ça aux d...

— Trente-deux ans, sourit la nouvelle venue.

— Ouah, trente-deux ! Mais, Anna, t'en as vingt-trois ! Vous vous êtes vues où ?! »

La blonde donna un coup de coude à son amie.

« Oh... Pendant mes études.

— Anna, Nathalie, intervint leur mère. Un verre de quelque chose ?

— Jus d'orange pour moi.

— ... Je vais prendre la même chose, je suppose, dit aimablement Nathalie. »

Trente-deux ans... donc, elle a presque le même âge que maman ! Maman même qui chuchota quelque chose à l'oreille de sa nièce. Celle-ci secoua discrètement la tête, et leva une main. Alors, la plus âgée partit vers le frigidaire gris sans rien ajouter. Et Anna de se tourner vers ses deux cousines, un rictus étalé sur sa figure ovale – et, mine de rien, élégante.

ꜱᴀɴɢᴜɪɴᴏʟᴇɴᴛꜱ - ᴀᴛᴛᴀᴄᴋ_ᴏɴ_ᴛɪᴛᴀɴ&0.7[1] ⌜ᵗᵒᵐᵉ ⁵⌟Où les histoires vivent. Découvrez maintenant