Liens de sang - Partie 1

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Karanes, district est du Mur Rose, 12 janvier 853

Non, ça ne résume pas assez bien la situation, pensa Traute, l'œil plissé. Elle jeta un vingt-et-unième brouillon dans la caisse lui servant de poubelle. Elle était installée à l'unique table de son appartement pauvre en mobilier. Sofa, évier, plan de travail, placards ; et un débarras, coincé derrière une porte.

Face à elle, l'affreux casse-tête que représentait sa paperasse. Elle planchait dessus sans s'arrêter, comme tous les jours depuis le 30 juillet 852, lorsqu'elle avait interrogé la mère d'Alma. Il avait été dur d'enregistrer tous les détails, d'autant plus que chacun lui semblait important. Elle était même retournée voir Albert et Iris une dizaine de fois, afin d'éclaircir des points noirs. Elle en avait tiré une conclusion alarmante.

Iris avait enfanté Maria, Rose et Sina, alors qu'elle dressait son culte pour donner naissance au plus d'enfants possible. Toutes trois avaient été modifiées génétiquement pour devenir des Titans Muraux. Cette capacité était héréditaire : leurs descendants pouvaient donc également être transformés en géants.

Et Iris, durant sa naissance, avait pris les pilules offrant ce pouvoir irréversible et terrifiant.

En d'autres termes, toute la descendance de ces trois filles – la famille royale dans son entièreté – pouvait se transformer en titan. Certes sous peine d'activer leur mutation via une injection dont les américains raffolaient, mais ça restait possible. Si ce fait seul l'avait glacée, elle s'était rapidement mise à répertorier toutes ces personnes.

Désormais, tout était prêt, et elle devait envoyer un résumé à Mike. Cependant, tout synthétiser est bien plus compliqué que ce à quoi je m'attendais...

« Traute ? » l'appela-t-on alors, de l'autre côté de son entrée. Elle leva la mine de son crayon, et plissa ses yeux turquoise.

« Iris.

— Je ramène des pommes de terre. »

Elle laissa échapper un léger soupir et remit son poignard sous sa ceinture. « Entrez », l'autorisa-t-elle ; la française obtempéra. Son carré roux était particulièrement ordonné, remarqua-t-elle. Le froid mordant de janvier rougissait tant ses joues que ses taches de rousseur commençaient à battre en retraite. Il n'y a pas Albert... Elle baissa le regard sur le panier de pommes de terre que ramenait la mère.

... mais elle ramène en effet des patates.

Traute lui désigna sombrement le siège en face d'elle : Iris s'y assit et se débarrassa de son lourd manteau. Elle allait un peu mieux. Elle avait moins de cernes. La lumière glacée de l'hiver mettait paradoxalement en valeur son visage aux rides naissantes. « Où est-ce que vous en êtes ? » lui demandait-elle ; Traute retourna sobrement à sa vingt-deuxième lettre.

« J'ai jeté vingt-et-un brouillons. J'ai du mal à résumer la situation, même avec un plan. Et le papier n'est pas gratuit...

— Je le propose à chaque fois, mais... vous n'avez vraiment pas besoin de mon aide ?

— Si vous acceptiez de m'en dire plus sur la naissance d'Alma, cela m'arrangerait grandement. Sinon, à part cuire ces pommes de terre à la vapeur et me fournir de l'encre, je ne vois pas ce que vous pourriez faire. »

Silence. Elle en profita pour griffonner encore sa feuille jaunie. Le début, elle l'avait. « Cher Erwin, cela fait longtemps que je ne vous au plus contacté. J'ai continué l'avancée de mon roman, et en voici un extrait. » Là remplaçait-elle les prénoms de ces bougres par d'autres, et titans en blonds : il allait aisément le comprendre. Il allait aussi saisir qu'« Erwin » était son surnom, puisque le major était mort.

ꜱᴀɴɢᴜɪɴᴏʟᴇɴᴛꜱ - ᴀᴛᴛᴀᴄᴋ_ᴏɴ_ᴛɪᴛᴀɴ&0.7[1] ⌜ᵗᵒᵐᵉ ⁵⌟Où les histoires vivent. Découvrez maintenant