Unions - Partie 4

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Shiganshina, 15 novembre 852

Marion posa son unique pupille sur la monture simplissime qu'on venait de lui donner. « Puisque ton œil est guéri », expliqua brièvement Isaac. Il avait parlé si bas que la pénombre du dortoir, et la pluie battant contre les carreaux, manquèrent d'étouffer sa voix.

Elle ne voyait qu'à moitié la face androgyne et pâle du semi-géant. Il détournait ses prunelles sang, et laissait ses mèches blanches retomber devant. Il ne les coupe plus... ? songea-t-elle.

Elle avait été si absorbée par le Tribunal, la bataille à venir, la famille d'Alma, son aide auprès de Hansi, et le nouvel équipement, qu'elle n'avait pas remarqué que les cheveux fins du bougre coulaient désormais sur le haut de sa veste du Bataillon. Peut-être était-ce aussi car elle ne voyait pas grand-chose, de loin, avec un œil en moins et l'absence totale de correction visuelle.

Cependant, elle prit bien l'albinos la main dans le sac, en voyant ses joues rosir légèrement. Ah, je l'ai trop observé. « Car... ta blessure est guérie », murmura-t-il encore. Elle retint un soupir, et mit ses lunettes tant attendues : la scène qui s'offrit à elle lui coupa le souffle.

Pour la première fois depuis des mois... Ma vue est passée de 144p à 4k...

Une joie intense l'envahit : elle étudia tout, absolument tout à sa portée. La moindre crevasse des vieilles briques, la moindre fracture du bureau de bois de Livaï, la moindre goutte sur les vitres. Même son lit – plus que cela, même chaque pliure de ses draps – se découvraient à elle.

Son orbite restant se remplit doucement de larmes. Isaac la prit illico par le bras : lorsqu'elle se tourna vers lui, elle constata tout de ses mèches et de ces petites tâches sombres dans ses iris et du rose de sa bouche et de ses cils neige et de bien trop de choses. C'est incroyable, bon sang !

« Quoi ? » s'affola-t-il. Il crispa un peu plus ses doigts sur son poignet. Elle se contenta de lever une main, la pupille illuminée de mille étoiles. « Isaac... », souffla-t-elle dans le plus grand des sérieux. « Je vois en HD. »

Les yeux pourpre de l'intéressé clignèrent avec confusion. Suivit un long silence : si la scientifique n'en comprit pas la raison de suite, l'autre pinça vite les lèvres. Il tourna la tête dans un bafouillis, la main devant la bouche et les épaules tremblotantes. À elle de rester pantoise.

« Isaac », laissa-t-elle tomber. « Est-ce que tu viens de rire ? »

Il fit non de la tête avec frénésie. « Si. Tu viens de rire. » De nouveau, ce même geste.

« Ne mens pas.

— Je..., énonça-t-il dans une neutralité vaine. Non.

— Si.

— Trois secondes, débita-t-il. »

Il se retourna pour de bon, et hoqueta en silence. ... Oui. Trois secondes. Mais ce spectacle n'en restait pas moins stupéfiant. Marion prit bien soin de se souvenir de la date de cette journée-ci. Elle était à marquer d'une pierre blanche, après tout. Il lui fit ensuite face dans une impassibilité impressionnante.

« Bien », posa-t-il. « Terrain d'entraînement. » Et il acquiesça à ses propres dires. La chercheuse, elle, se pinça l'arête du nez.

« Tu ne t'es jamais gaussé de ta vie, c'est ça ? soupira-t-elle.

— On doit rejoindre Livaï.

— Tu en viens même à prononcer son nom sans haine...

— Je ne l'aime pas.

ꜱᴀɴɢᴜɪɴᴏʟᴇɴᴛꜱ - ᴀᴛᴛᴀᴄᴋ_ᴏɴ_ᴛɪᴛᴀɴ&0.7[1] ⌜ᵗᵒᵐᵉ ⁵⌟Où les histoires vivent. Découvrez maintenant