Endeuillés - Partie 2

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Quelque part au nord de l'Europe, au même instant, 25 décembre 852

Billy arrêta brutalement son lourd cheval de trait, béat au possible. Il revenait de sa tâche de bûcheron ; et là, en plein dans la neige s'étalait un grand homme blond et baraqué. Habillé d'une combinaison kaki et moulante et d'un étrange équipement de lanières et de pièces métalliques, il stupéfia d'entrée le jeune homme.

Il sauta illico de sa charrette et se précipita à ses côtés, le cœur battant. « Monsieur ? » demanda-t-il de sa voix rêche. Mais alors qu'il allait le secouer par l'épaule, les taches de sang et profondes entailles sur les habits de l'inconnu le figèrent net.

Il faisait un froid de canard, le sol était glacé. Cette région de plaines et d'arbres avait toujours été épargnée par les titans, et le village de Billy n'avait eu que de faibles échos des Murs ou que savaient-ils d'autre. Alors... Comment un guerrier peut se retrouver ici ? Est-ce que les ennemis sont plus proches qu'avant ?!

Que devait-il faire ? Ses bras courbaturés par l'hiver et les efforts de son travail parlèrent à sa place. Il mit ce gugusse sur son épaule en grognant, l'étala entre des bûches de bois et vérifia son pouls. Il est lent. Lorsqu'il retira ses gants et plaqua sa main sur le front du visage en rectangle de ce bougre, il crut bien se brûler. Et cette fièvre... Il va crever, à ce stade ! Bon sang ! Et il n'a quasiment rien pour se couvrir, il faut que je l'emmène à l'Ancien !

Il bondit donc de nouveau sur son siège, pour se figer net. Non. Avec un tel attirail de guerre... C'est dangereux pour nous, ils pourraient se méprendre. Ils pourraient l'éjecter, alors que le pauvre n'a pour l'instant rien demandé !

Lui-même descendait d'ancêtres recueillis dans la neige. Un siècle plus tôt, le rejet avait été de mise après la trahison manifeste des Divisions de l'Ouest. Et mes grands-grands-parents se seraient fait immédiatement jeter si les autres avaient connu leurs origines... Il posa de nouveau ses iris bleus sur l'inconnu et déglutit avec malaise. « Et mince, hein ! Je garderai ses armes en réserve ! »

Il sauta dans la carriole et tenta tant bien que mal de défaire cet équipement bien trop insolite. Oui, plus il y réfléchissait, plus il était certain que ce con avait été impliqué dans ce conflit. Il a probablement fui. Espérons qu'il ne compte pas y retourner ! Il enleva enfin son manteau laineux, borda l'individu et se hâta vers son bourg.

Il lui restait bien une heure de route. Il était habitué à ce que ses roues et les sabots de son cheval claquent contre les cailloux environnants. Il était habitué au froid, aux rayons rouges brillant sur les vastes plaines immaculées, au remue-ménage des bûches dans son chariot. Mais durant cette longue, très longue heure, son oreille et ses mirettes s'ouvraient à tout bruit, tout parasite.

Billy ne pouvait s'empêcher de jeter des coups d'œil au blondinet. Une énième fois, il étudia sa face rectangulaire, puis regarda devant lui avec malaise. Et s'il ne survit pas au voyage... ? Il pressa un peu plus son destrier ; la nuit tomba ; de petites lueurs se dessinèrent à l'horizon. Le village ! Cette fois-ci, l'animal partit au petit galop...

... et une voix grave et rauque s'éleva derrière le vingtenaire.

« Where... », toussota faiblement l'énergumène. « Where am I... » Qu'est-ce que c'est que cette langue ?! « Bertolt ! » paniqua-t-il subitement. « Is that you ?! » Billy arrêta net sa charrette et se retourna vers le monsieur, le cœur battant. Il paraissait complètement dans les vapes. Pourtant, il sursauta en arrière dans un hoquet horrifié.

« Je suis dans les Murs ?!

— Calme-toi ! débita Billy. Calme-toi. Les Murs ? Non. Non, ce ne sont pas les Murs, je n'y ai jamais mis les pieds. Ne me dis pas... »

ꜱᴀɴɢᴜɪɴᴏʟᴇɴᴛꜱ - ᴀᴛᴛᴀᴄᴋ_ᴏɴ_ᴛɪᴛᴀɴ&0.7[1] ⌜ᵗᵒᵐᵉ ⁵⌟Où les histoires vivent. Découvrez maintenant