Endeuillés - Partie 3

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Shiganshina, 31 décembre 852

Fantomatique : ça auraient pu être l'adjectif parfait pour décrire le dortoir dans lequel allaient dormir Isaac, Marion, Annie, Antoine et Livaï.

Mais juste avant d'y coucher s'était révélé un enjeu de taille.

Tous s'y confrontaient, dans un réfectoire rempli par les bavardages à la ferveur ténue d'un soir de nouvelle année.

Tous à l'exception de Marion, assise en bout de banc.

Elle ne savait pas si elle devait rire ou pleurer face au spectacle se déroulant devant elle. Kenny préparait un plan avec Isaac, Annie avait mis sa capuche sur sa tête pour échapper au désastre allant suivre, Livaï se pinçait l'arête du nez entre deux gorgées de liqueur... et Antoine se tenait fièrement en face de tous, un grand rictus collé sur les lèvres.

« Marion », laissa tomber Kwamboka, les paupières plissées. « Qu'est-ce qu'ils font ? » L'intéressée soupira longuement.

« Je fais un bras de fer à ta place », assurait royalement Kenny à l'albinos – et dans la langue de Molière ! Il leva le pouce, sous le regard dubitatif de l'américain.

« Tire pas cette tronche. Tu peux compter sur moi, je gagnerai face à ce gamin de rat.

— Hey, Annie, railla le gamin de rat en question. Scissors-paper-rock ? Let's see who's going to sleep with Marion.

— Get lost. »

Mince. Je voulais vraiment savoir qui allait gagner.

« On le joue au bras de fer, alors ? insista-t-il énergiquement.

— Antoine, lâcha Livaï, stop.

— Enfin un truc que j'ai compris, approuva la juge suprême. Donc, Marion ? Tu n'as pas l'air impliquée.

— Ils bataillent pour savoir qui va dormir avec moi.

— Harem.

— Non.

— Allons, Isaac ! s'exclama Kenny.

Comme tu le souhaites, écrivit sobrement l'interpellé. »

Et il retourna à sa contemplation du monde. Signe qu'il était de meilleure humeur qu'usuellement. Il respirait mal, il ne pouvait pas faire de longs trajets, mais « au moins es-tu en vie », avait-il dit. Marion aurait presque cru que s'être sacrifié de la sorte avait été une délivrance.

« Antoine », lança Kenny, « tu sais ce qu'il te reste à faire. » Son neveu le fusilla du regard. « Je peux avoir un gant ? » ironisa-t-il avec amertume. « Je risque de me salir la main, sinon. » Quelques secondes. Annie s'approcha de la chercheuse afin de mieux s'écarter du futur raffut allant faire rage.

« Pourquoi tu ne dis rien ? lui dit-elle ensuite platement.

— Ça aggraverait les choses.

— Qu'Antoine et Isaac aient le béguin pour toi, soit. Que Kenny s'en mêle, peu surprenant. Mais m'impliquer dans cette histoire loufoque...

— Oh ? s'extasia le jeune Chaillot. Mes oreilles me trompent ? Est-ce que j'ai bien entendu Annie passer en mode tsundere ? »

La face de l'intéressée tourna illico au lugubre. Elle se leva dangereusement, on l'attrapa par l'épaule. Mike passait par là, toujours aussi impassible.

« Que se passe-t-il ? demanda-t-il en anglais.

— Des choses futiles.

— On doit décider qui va dormir avec Marion ! se plaignit Antoine.

ꜱᴀɴɢᴜɪɴᴏʟᴇɴᴛꜱ - ᴀᴛᴛᴀᴄᴋ_ᴏɴ_ᴛɪᴛᴀɴ&0.7[1] ⌜ᵗᵒᵐᵉ ⁵⌟Où les histoires vivent. Découvrez maintenant