Le rouge et le blanc - Partie 4

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Base américaine nord, 30 août 841

Il faisait chaud, sur cet éternel terrain d'entraînement. Chaud jusqu'à en faire fondre les hautes barricades de bois saupoudrées de barbelés, longées par des cibles luisant sous un soleil lourd. Et Isaac s'y trouvait en son centre, ses rangers bien plantées dans la terre sèche et son herbe pas mieux lotie.

En face de lui, Sieg, qui le surplombait de tout son mètre quatre-vingt.

Ses yeux gris, derrière ses verres en cul-de-bouteille, le fixaient sans ciller. Il ne retirait jamais ses lunettes. Il se tenait toujours droit, il taillait systématiquement ses boucles blondes au-dessus des oreilles, il se grattait parfois l'oreille d'un air désabusé. Ce jour-ci, l'expression collée sur son long visage au menton triangulaire était on ne pouvait plus sérieuse.

Puisqu'Isaac avait dépassé Penny au corps-à-corps, il devait désormais faire face au semi-géant ; et ils étaient deux à transpirer à grosses gouttes. Transpiration glissant même du nez épais de son adversaire, pour rejoindre sa barbe et sa moustache bien taillées. L'albinos aussi avait du mal. Ses coudes étaient douloureux, et son uniforme kaki et épais tournait au brun.

« T'es un adversaire de taille, toi », soupira Sieg – à défaut de ahaner. Il passa une main dans sa coiffure, et se remit en garde. Les prunelles sang de l'apprenti scrutèrent tout de sa posture. Y avait-il une ouverture, quelque part ?

« Attaque-moi », lui ordonna alors son aîné.

Il fallait agir sans poireauter, sans réfléchir minutieusement à chaque mouvement possible. Se baser sur son instinct, Isaac pouvait désormais se permettre de le faire. Et, même si son adversaire faisait deux têtes de plus que lui...

Il se mit en garde dans la seconde, et lança énergiquement son talon dans le ventre de Sieg. Celui-ci se décala illico : il leva le coude, et l'abaissa... pour ne rencontrer que du vide. L'albinos venait de rouler sur le côté, et se retrouvait sur sa gauche. Là lui asséna-t-il une violente béquille : le plus grand vacilla sous le choc. Mais alors qu'Isaac allait en profiter pour le faire définitivement tomber, on retint son poignet avec puissance.

A lui de hoqueter. Ses yeux écarlate louchèrent sur le genou que Sieg balança vers son abdomen. La douleur qui suivit l'impact le plia en deux. En tenant simplement son avant-bras, son supérieur l'envoya balader sur le dos, bloqua ses jambes avec son tibia, et le plaqua définitivement contre l'herbe rêche.

Tout ce que le garçon vit de sa tête furent ses mèches blondes ; du reste, ce soleil assommant cachait tout de son expression. Le plus petit serra les dents dès qu'il dégaina son poignard, et le descendit à une vitesse folle vers sa trachée. Il s'arrêta juste avant de la réduire en bouillie. « C'est tout ce que tu as dans le ventre, en offensif ? » remarqua Sieg. « Avec ça, tu penses que Marion... »

Marion !

L'adulte cracha du sang sans avoir pu finir sa phrase. Isaac s'était agilement dégagé de sa poigne à ses seuls mots. Une fraction de seconde, et il avait planté son propre couteau dans l'estomac du semi-géant.

« Pu... tain... », articula ce dernier. De la vapeur s'échappait certes de sa blessure, mais il se laissa tomber sur le flanc, une paume plaquée dessus.

« Fourbe...

— Vous m'avez dit d'attaquer, énonça lentement l'apprenti.

— Pas de faire des coups traîtres !

— Non, cela fait partie intégrante de son entraînement. »

Tous deux levèrent le menton vers Rhys. Isaac vit Angela, non loin, en train de s'entraîner sur un sac de frappe. Elle ahanait déjà. De la sueur coulait en abondance sur son visage rond, au point d'en faire luire ses taches de rousseur bien dégagées par sa couette basse. Sa petite sœur, si frêle, s'engageait également pour Marion.

ꜱᴀɴɢᴜɪɴᴏʟᴇɴᴛꜱ - ᴀᴛᴛᴀᴄᴋ_ᴏɴ_ᴛɪᴛᴀɴ&0.7[1] ⌜ᵗᵒᵐᵉ ⁵⌟Où les histoires vivent. Découvrez maintenant