54 - Kiss on the ring

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Je suis dans le lit d'Ange, toutes les lumières sont éteintes. Je me sens toujours aussi catastrophique, je suis plus calamiteux que jamais.

Quelques larmes ont donné un goût salé aux commissures de mes lèvres gercées, et la taie d'oreiller est trempée. Bordel, pourquoi Dieu m'a-t-Il donné tant de vices ?...

J'entends la porte d'entrée s'ouvrir, mais personne n'allume les pièces. Ange entre dans sa chambre, et accroche son manteau en haut de sa porte. Il retire ses gants, et il fait le tour du lit pour s'accroupir devant mes yeux fermés.

« Moana... Tu es réveillé ?..., chuchote-t-il.

- Oui. Mais j'aurais préféré ne pas l'être.

De son pouce, il essuie mes larmes.

- Moi je suis heureux que tu sois réveillé. Tu es très important pour moi, tu le sais ?

Je hausse les épaules. Foutaises. Ange mérite mieux que moi.

- Tu as faim, mon amour ?

- C'est rien, j'vais m'faire à manger. T'épuise pas pour moi.

Je ne vois que des fragments de son visage, flous par mes larmes et sombres par l'obscurité, mais je distingue malgré tout qu'il sourit.

Il s'assoit en tailleur en face de moi, sur le sol, alors que je reste allongé sur le lit, statique. Il ouvre un sac en papier, et en sort des bols en plastique.

- Quand tu étais triste, ta mère te préparait du poisson au citron vert, n'est-ce pas ? Je sais que tu détestes que les gens associent Hawaii et Tahiti, mais... J'ai trouvé un restaurant hawaïen qui proposait ce genre de plat, alors je t'en ai ramené. J'ai aussi pris de la « Hinano », il parait que les Polynésiens aiment ça... Et puis je t'ai acheté des fleurs. Pour te féliciter pour ton combat.

Mon copain pose le bouquet à côté de ma tête, et me tend un des deux bols. Je l'ouvre, un peu las mais attendri par les efforts d'Ange, et suis instantanément ivre de humer du citron vert.

Je marmonne entre mes dents quelques bénédicités. J'ai beau ne le faire qu'aux fêtes religieuses, je me dois de remercier Dieu d'avoir mis sur mon chemin un homme aussi affectueux qu'Ange Coleen.

- C'est pas grave, si c'est hawaïen. Hawaii et Tahiti, c'est le même peuple, en principe. On est tous des maori, avec quelques différences de langues et de culture. Que ma nourriture soit française, hawaïenne ou tahitienne, ça ne change rien au fait que je t'aime, Ange.

Il rougit, et je souris légèrement. Je me demande pourquoi il s'est donné tant de mal pour me remonter le moral mais... Ses efforts ne sont pas vains. Ange me fait du bien.

Nous ne parlons pas, nous mangeons en silence, car que dire dans une situation comme celle-ci où chaque mot pourrait me briser à nouveau ?, et nous restons muets, à nous regarder dans les yeux.

J'ai peur pour mon avenir, et cela coule de source, j'ai peur pour notre avenir. Je ne veux pas ruiner la vie d'Ange simplement parce que je n'étais pas à la hauteur de ma carrière. Je ne veux pas lui barrer la route, l'obliger à travailler encore plus dur pour subvenir à ses besoins et se coucher à pas d'heure simplement parce qu'il est amoureux. Et quand je le vois, là, manger du riz vinaigré, un air insouciant masquant son visage...

Je me rends compte que je ne veux pas le blesser.

Mais je suis trop égoïste pour faire quoi que ce soit qui éloignerait Ange de moi. Que ferais-je, sans lui ? Je mourrais, c'est sûr et certain. Je serais incapable de vivre sans Ange Coleen. Je ne veux pas l'entraîner dans ma chute mais... Je ne peux me résoudre à lui dire combien je me sens mal.

Moon's flowerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant