Moon's flower

55 - Strawberries and bet

« Et là, l'intervenant a dit : « C'est comme si on étudiait la courbe de popularité de la fraise au fil des années. Tout le monde aime la fraise, car elle est très sucrée et gorgée d'eau. », puis il nous a demandé : « si vous aimez les fraises, levez-la main, pour voir la proportion. ». Alors j'ai levé la main, comme presque tout le monde, et après il nous a fait tout un discours sur les goûts que tout le monde a ! Les choses que tout le monde adore, comme les fleurs, les ours en peluche ou les articles à moitié prix !

Aimata hoche la tête. Il est en train d'écrire un devoir pour son cours de sociologie en ligne, mais grâce à ses capacités cognitives impressionnantes, il est capable de m'écouter tout en travaillant. C'est remarquable, je dois dire.

Je suis assis à côté de lui, sur le canapé, et je lui raconte ma journée. Comme presque tous les soirs. Et lui, il m'écoute sans un mot, en rendant à temps ses travaux. C'est un peu notre routine. Notre routine à nous, « la vie d'Aimata et de Kyle ».

- C'était vraiment surprenant, mais pour une fois, j'étais relativement intéressé ! Mais à la fin du cours, Marc est encore venu me parler. Tu sais, le garçon qui m'offre des cafés. Il n'arrête pas d'insister pour qu'on se loue une chambre d'hôtel alors que je lui ai clairement dit que je ne voulais pas... Argh, je te jure, ce mec me tape sur les nerfs comme pas possible... En plus, il fait traîner d'horribles rumeurs sur moi ! Il dit à qui veut bien l'entendre que je vends mon corps à tout le campus, et même à des retraités ! Personne ne veut plus me parler ! Enfin, je m'en fous, je n'ai pas vraiment d'amis mais... Ça n'a pas changé, tu vois.

Il acquiesce d'un signe de tête, et pose le point final sur son essai avant de l'envoyer par e-mail à son professeur. Il se tourne vers moi, et me regarde dans les yeux pour que je continue mon récit.

- Je ne le comprends vraiment pas... Comment tu peux dire que tu es hétéro alors que tu cours après un garçon pour le mettre dans ton lit ?! Ça n'a pas de sens ! Il faut qu'il arrête de se voiler la face et qu'il admette qu'il est attiré par les hommes ! Ce n'est pas constructif de se mentir à soi-même comme ça, il va finir par être perdu dans son identité... Je sais que c'est difficile, de se trouver, mais... Putain, je hais les gens qui éduquent leurs enfants dans l'homophobie ! Après, ils développent des putains de complexes et ils font souffrir les homosexuels autour d'eux ! Ce sont vraiment les pires parents, qui inculquent à leurs rejetons que deux hommes ou deux femmes ne peuvent pas s'aimer !

- Je n'aime pas Marc.

Je souris, attendri.

- Ne t'en fais pas, Matamata... Je ne réponds pas à ses avances... Tant que tu es là, je ne peux pas regarder quelqu'un d'autre que mon petit Aimata~ !

Il ne dit rien.

- Enfin... J'aimerais vraiment pouvoir le « bloquer » dans la vraie vie. C'est simple, sur les téléphones, on peut ignorer les gens. Mais en vrai, c'est un calvaire ! Il me coince à toutes les sorties, il me parle à chaque occasion, et quand je ne réponds pas à ses sifflements admiratifs, il m'insulte ! C'est vraiment le pire des fils de pute !, m'énerve-je.

Aimata secoue la tête, et hausse les épaules. D'un geste las, il retire l'élastique qui maintenait son chignon, et laisse tomber des mèches de cheveux noires devant ses yeux. Mon cœur bondit dans ma poitrine.

Mon mec est si beau~ !...

J'aurais voulu l'embrasser, tant ses lèvres me semblent brillantes, mais cette foutue règle du « non-contact » m'en empêche.

- Dis-lui d'arrêter de te parler.

- Malheureusement, ce n'est pas si simple... Si ça marchait, je le ferais, mais... Il est plus tenace que ça. »