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     « Allô, Henry ?

Il répond plutôt rapidement, d'une voix aussi grave que posée.

- Salut, Kyle. Tu m'as appelé ?

- Oui, désolé de te déranger... J'ai trouvé un appartement, enfin.

- Oh, génial ! Je suis content pour toi. Le loyer est correct, il est près de la fac ?

- Oui, assez correct, et pas très loin de la fac en tramway. Je vais y emménager le week-end prochain, donc je voulais te prévenir que je passerai récupérer mes affaires.

Je suis un peu gêné. Non pas qu'Henry et moi soyons en mauvais termes depuis notre rupture, c'est juste que ça fait beaucoup plus « je passe à autre chose », et malgré moi... Ça me rend un peu triste de rayer définitivement Henry de ma vie.

- Pas de souci. Tu as les clés, de toute façon. Tu auras besoin d'aide ?

- Oh, non, ne t'inquiète pas. Ce n'est pas comme si j'avais beaucoup d'affaires., ris-je.

- Personne ne va t'aider à déménager ?, s'inquiète-t-il.

- Non, ce n'est pas un problème. Tu sais bien que je n'ai pas beaucoup d'amis, et Moana n'est plus là, alors... Je me débrouillerai.

- Même pas d'homme dans ta vie ? Ça fait trois mois, maintenant. Je ne veux pas te voir finir seul, Kyle..., s'attriste-t-il.

- C-... C'est-à-dire que... Je sors bien avec quelqu'un mais... Je me vois mal l'emmener chez mon ex, tu vois..., fais-je, mal à l'aise.

- Ce n'est rien, ramène-le. Comme ça je pourrais aussi m'assurer que tu es avec quelqu'un de bien. Ça me rassurera., s'adoucit-il.

- J-...

Je reste confus.

- Je lui en parlerai. Merci, Henry. À samedi, alors.

- Oui, à samedi, Kyle. Prends soin de toi. »

Et je raccroche.

C'est cette conversation qui m'a donc mené...

     ...Ici.

Sur le quai d'un arrêt de tramway, à côté d'Aimata, pour aller chez mon ancien petit-ami. Aimata a dit que c'était « probablement son rôle de tane » de m'aider à déménager, et je n'ai pas réussi à le persuader du contraire.

D'ailleurs, je ne sais pas quand il rentrera à Tahiti. Ça commence à faire un petit bail qu'on vit comme des vagabonds à la recherche de l'hôtel le moins cher chaque soir, et même si je suis heureux qu'il soit à mes côtés, je m'inquiète du fait qu'il reste si longtemps.

Le tramway s'arrête devant nous, et Aimata demande d'une voix morne :

« On ne peut pas y aller en voiture ?

- Non... C'est seulement à deux arrêts. Ça ne vaut pas le coup.

- Et à pied ?

- C'est trop loin ! Je ne paye pas mon abonnement pour rien !

Il baisse la tête, et je monte dans le tramway. Il se crispe et me suit, avant que nous nous asseyions tous les deux sur les sièges hideux bleus et verts du deuxième wagon.

Le tramway démarre, et Aimata ferme les yeux. Il se mord la lèvre, frustré, de plus en plus fort, et d'un seul coup, il attrape mon bras entre les siens et enfouit sa tête dans mon épaule.

- M-... Matamata, je sais que c'est différent à Tahiti mais en France on ne peut pas vraiment être homosexuel dans les transports en commun-...

Il ne répond pas et me serre encore plus fort. Il est complètement tendu, terrifié, et je suis démuni. Q-... Qu'est-ce qu'il se passe bordel ?...

Moon's flowerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant