6 - Erotic snack

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      Je fourre mes mains dans mes poches, refrogné, et vérifie à travers la vitrine d'un magasin environnant que je suis potable.

Je déteste devoir faire ce que je vais faire. Prétendre être ce que je ne suis pas. Manipuler quelqu'un dans mes propres intérêts. User de mon charme pour obtenir ce que je veux.

Ce n'est pas le genre d'homme que je veux devenir. Je veux être capable d'intégrer des principes et des idéaux pour me forger une philosophie qui me convient. Je veux pouvoir me tenir aux côtés des gens que j'admire, la tête haute, en sachant que je mérite leur respect moi aussi.

Mais je crois que je n'ai plus le choix, au point où j'en suis.

Alors j'entre dans le restaurant et jette un coup d'œil circulaire et déjà las pour surplomber la salle. Une jeune femme me fait un signe de la main, tout sourire.

« Moana !

Je me dirige alors vers sa table, essayant d'avoir l'air aimable. En tout cas, plus aimable que les sentiments plats et morts que j'éprouve pour elle. Fetia.

- Je suis ravie que tu sois venu !

- Tout l'plaisir est pour moi., marmonne-je.

Je m'assois en face d'elle, sur cette chaise en mousse industrielle et rêche recouverte par une fine couche écaillée de vieux satin rouge hideux. Peut-être suis-je un peu de mauvaise foi, mais ce n'est qu'une théorie.

- Je suis vraiment désolée de t'avoir presque... Supplié d'accepter ce rendez-vous... J'aurais voulu qu'on se revoie dans des conditions plus... Adaptées.

- Si c'est nos parents qui ont arrangé ça, alors j'imagine qu'on n'peut rien y faire.

Elle baisse les yeux et du bout de son doigt elle caresse le rond de son verre. Je sursaute presque. C-C'est une des habitudes qu'Ange a quand il est distrait ou qu'il se sent coupable...

- Alors Moana, p-parle-moi de toi !, m'encourage-t-elle en levant ses yeux noirs vers moi.

- Hum, bah... J'ai pas grand chose de quoi être fier. Je reviens de France, parce que j'ai fini l'école et que je voulais faire mes études ici. J'ai pas toujours vécu chez les popa'a, j'y ai déménagé seulement quand j'avais quatorze ans, ou un truc comme ça.

- Je vois ! Ça a dû être très enrichissant ! Les Français ont une culture très différente de la nôtre, j'imagine que ça t'a appris plein de choses !, sourit-elle.

- Ouais... Je n'aime pas trop la France. J'y suis mal à l'aise.

- Ah oui ? Pourquoi cela ?

Je soupire et appuie ma tête sur ma main.

- En règle générale, j'aime pas la manière dont les Français pensent. Ils sont trop fermés d'esprit et stressés. C'est compliqué de les comprendre pour un Tahitien comme moi. Et puis, quand t'as goûté à la beauté de Tahiti, tu peux pas te contenter des rues grisâtres et impersonnelles de la France.

Fetia hausse les épaules.

- J'aimerais beaucoup aller à Paris, moi ! I-Il paraît que c'est très romantique... Et que les gens s'y habillent bien !

Je me mors la lèvre. La France, un pays romantique ? Je ne pense pas. Trois quarts des Français que je connais ne croient plus en l'amour. Beaucoup de couples se disputent dans la rue. Et la jalousie maladive est omniprésente dans les relations, à cause de la grande représentation médiatique des ruptures.

Je pense que si les films et séries montraient moins de cas de tromperies, les gens seraient moins paranos. À force de nous laver le cerveau en nous montrant que même Will Smith ou Kylie Jenner peuvent se faire cocu, évidemment que les jeunes générations vont se mettre à douter chaque seconde de leur partenaire. Il faut parler de l'adultère, bien sûr, mais pas en fourrer à toutes les sauces dans chacun des programmes télé M6.

Moon's flowerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant