47 - Lecture

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Je rassemble mes affaires dans ma sacoche. J'y mets mon ordinateur portable, un cahier et une trousse, et jette un dernier coup d'œil à Aimata.

Il est assis sur mon lit, une couette autour de lui, en train de regarder une vidéo. Probablement du porno.

Je soupire. Ça fait une semaine que nous ne nous échangeons que quelques mots, comme : « Salut », « Merci », ou « De rien ». Car nous sommes en désaccord. Nous nous faisons la gueule, en gros. À cause de sa stupide idée de « faire une pause ».

« Faire une pause » des contacts physiques, certes, mais cela demeure une pause. Bordel, une pause !! Aimata m'aime, j'aime Aimata, pourquoi cela se passe-t-il comme ça ?! Qu'ai-je fait de si répréhensible pour que-... Pour qu'il... Désire arrêter de me toucher ?...

Mon corps, c'est tout ce que j'ai ! Je me cache derrière des sous-entendus sexuels et des baisers tout doux pour masquer mon manque de personnalité flagrant ! Mon corps c'est-... Ce qui m'a aidé, dans mes plus obscurs moments. C'est également par sa faute que j'ai sombré, mais... Ne pas aimer mon corps, est-ce que ça veut dire ne pas m'aimer moi ?...

Est-ce qu'Aimata, après cette pause des contacts physiques, me demandera une vraie pause ? Et à l'issue de cette pause-... Est-ce qu'il voudra-... Rompre ?...

« Je pars à la fac., déclare-je en sortant de mon appartement.

- Ouais. », répond-il, ennuyé.

Ou peut-être est-il triste, heureux, ou énervé. C'est déjà difficile de lire en lui quand il essaye d'être expressif, mais quand il fait tout pour me cacher ses émotions c'est un vrai calvaire.

Je serre le poing. Quand je sortais encore avec Henry, je m'étais inscrit à quelques séminaires sur la psychologie, pour pouvoir passer quelques heures à nous rouler des pelles au fond de l'amphithéâtre. Mais maintenant, je dois me lever à pas d'heure pour aller à une conférence sur l'autisme alors que je pourrais être en train de dormir. Et pour être tout à fait clair : ça me casse les couilles.

Je m'assois sur un des sièges en bois de l'enceinte, et sors mon PC. Bon, disons que quitte à être là, autant essayer d'apprendre quelque chose.

Je suis seul dans le grand amphi, mais un visage familier s'assoit à côté de moi.

« Salut.

Je le dévisage. Crâne rasé, yeux bleus, pantalon en toile. Marc. Aka l'homme qui a essayé de me baiser pour de l'argent, il y a quelques mois.

Il me tend un gobelet Starbucks.

- C'est un café glacé.

Je l'attrape sans un mot, et le pose sur mon pupitre.

- Je peux m'assoir là ?, demande-t-il.

Je hausse les épaules.

Il glisse un billet orange vers moi. Cinquante euros, puis il prend place à mes côtés.

- Tu sais, Kyle, tu es vraiment un bel homme.

- Je sais.

Je n'ai pas le temps pour être modeste. Il me saoule.

- Ça t'dirait de-... »

Il n'a pas le temps de finir sa phrase, heureusement, et l'intervenant prend place sur la grande estrade, son microphone dans ses mains râpées.

« Bonjour à tous. Je sais qu'on est vendredi matin et que vous revenez tous de soirée, mais prenez un café et levez la tête pour qu'on passe un moment instructif ensemble.

Moon's flowerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant