92 - Pineapple and chicken fight

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Une semaine.

Une semaine, c'est le temps qui est passé depuis qu'Amber est officiellement tombée enceinte, de notre enfant, et que nous vivons tous les trois, Ange, elle, et moi, dans un appartement en location sur Berkeley, aux États-Unis.

Autant l'avouer tout de suite... C'est compliqué. Je voudrais faire connaissance avec elle, pour que nous devenions amis le temps de sa grossesse, mais... Je ne parle pas anglais. Et elle ne parle pas français. Alors nous nous échangeons des sourires cordiaux gênants de temps en temps, ou un simple « hi ! ».

Vivre avec quelqu'un qui ne parle pas notre langue, c'est difficile. Sans la parole, sans véritable moyen de communication, il est dur de créer un véritable lien. Nous sommes juste des inconnus liés par un contrat. Rien de plus.

« Tu savais qu'Anh-Daò était déjà allée à Tahiti ?, questionne Ange, sans lâcher son bol de riz.

- Ta coloc ?

- Moui., continue-t-il en mangeant. Elle a dit qu'elle y était allée en vacances, et qu'elle avait adoré.

Ange est assis en tailleur à côté de moi, sur un sofa en mousse vert, des baguettes à la main alors qu'il avale rapidement un semblant de repas, — du riz —, entre deux séances de révision. Ange pense révisions, il vit révisions, et il rêve révisions. Ça m'épuise de le voir si acharné, mais il a toujours été comme ça.

- N'importe qui adorerait Tahiti. C'est le meilleur pays du monde.

- Ce n'est techniquement pas un pays, Naochi...

- Je sais, je sais... C'est une « collectivité d'outre-mer »... Mais dans mon cœur c'est un pays. Alors je continuerai à dire comme ça.

- Si ça te fait plaisir, mon amour..., rigole-t-il.

La télévision balbutie des bribes de dialogues incompréhensibles d'un feuilleton américain, avec des personnages tous plus émotifs et dramatiques les uns que les autres, et Ange pose sa main sur ma cuisse.

- Alors, Moana, qu'est-ce que tu en penses ?

- De quoi ?

- De... D'Amber, de la vie avec elle, de notre appartement provisoire... Tu t'y fais ? Tu te sens bien ici ? Je veux être sûr que tout va bien et que tu n'enfouis pas tous tes ressentis au plus profond de toi.

- Oh... Ouais, ça va. Elle est... Cool. Et puis t'es là, et c'est pas souvent qu'on vit ensemble. Donc j'vais bien. Même si c'est un peu chiant que vous ayez des conversations secrètes et des blagues que je comprends pas. Globalement ça va.

Mon mari sourit.

- Si tu veux, je peux essayer de te traduire les conversations qu'on a. Je ne veux pas que tu te sentes exclu, Moana, alors si ça t'aide à te sentir mieux je le ferai.

J'éclate de rire, et prends sa main dans la mienne.

- Non, t'inquiète... Je vais m'y faire. Mais merci de proposer, mon cœur. »

Notre conversation est interrompue soudainement par un vacarme derrière nous, comme une suite d'objets qui dégringolent.

Ange et moi nous levons précipitamment, et accourons vers le couloir, inquiets :

« <Amber ? Est-ce que ça va ?>

- <Non... Je ne... Je ne me sens pas bien...>, gémit-elle.

Amber est allongée sur les toilettes, des mèches de son chignon noir s'échappant dans la cuvette. Sa joue est posée contre l'ivoire, et elle paraît complètement éreintée.

Moon's flowerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant