76 - Liquor lips

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           « Bébééé~..., susurre-je en souriant.

- Je t'ai dit d'arrêter de m'appeler comme ça. Je ne suis pas ton « bébé », ni ton « darling », ni ton « honey ». Dégage de chez moi si c'est pour continuer à me traiter comme si j'étais pédé., ronchonne Orian.

Je fais tourner mon Scotch dans le verre sculpté qu'Orian m'a présenté. Je suis assis sur son canapé, devant une série Netflix qu'il a mis en arrière-plan, et il est assis à l'autre bout, le plus loin possible de moi.

- Alors, c'est quoi ton tracas d'aujourd'hui ?, soupire-t-il.

Je ne réponds rien, et il croise les bras, vexé.

- Cytzel. Déjà que tu t'invites chez moi et que tu voles mes bouteilles toutes les semaines quand tu as envie de te mettre la tête à l'envers, laisse-moi savoir pour quelle raison je suis obligé de me coltiner une tafiole comme toi.

- Mon chéri... Tu tiens vraiment à ce que je te raconte mes histoires de cœur ?...

Il pousse un « tch » énervé, et pose ses pieds sur sa table basse en se resservant un verre de Scotch. Une bonne bouteille, d'une bonne année.

Mais si Orian ne voulait pas de ma présence, il ne m'aurait pas ouvert la porte.

- Peut-être que pouvoir me foutre de ta gueule va m'aider à oublier que tu t'incrustes chez moi.

- Bon... Si tu y tiens...

Je finis mon verre, cul sec, et m'affale un peu plus contre l'accoudoir.

- Mon mec, Gustave, il me demande trop d'attention. Enfin, on ne sort pas ensemble, on couche juste tous les deux, mais ça il ne le comprend pas. Il insiste pour aller à des rendez-vous, et il veut apprendre à me connaître. Mais je m'en contrecarre de sa couleur préférée, moi.

- Tu avais dit que tu étais amoureux d'un garçon, et qu'il ne t'aimait pas.

- Oui, c'est vrai. J'aime quelqu'un d'autre. Quelqu'un hors de ma portée. Quelqu'un qui ne m'aimera jamais, qui me déteste, et qui est parfaitement heureux sans moi. Enfin, même pas. En ce moment, il va mal. Mais je sais que... Eventually... Il ira bien... Il ira bien parce qu'il a quelqu'un sur qui compter.

- C'est donc ça, la vie de pédé. Coucher avec tout ce qui bouge et aimer des hétéros. Ça doit être chiant, je comprends qu'ils se suicident tous.

J'enfouis ma rage en moi.

Mon but, mon but ultime en fréquentant Orian, est de lui briser le cœur. Je dois le faire me désirer et lui faire croire que c'est réciproque, puis piétiner ses sentiments et son cœur homophobe.

C'est puéril ? C'est vrai. Pourtant Orian n'a pas réfléchi à la puérilité de ses actes lorsqu'il a tabassé Ange. Ou lorsqu'il s'est battu avec Moana. Quand il a utilisé tous ces slurs homophobes. Quand il a dit ces choses horribles sur le décès de la sœur de Moana, devant Ange.

Ou même présentement, en insinuant que les homosexuels méritent le suicide.

Orian est une ordure. Je devrais lui tendre la main et l'aider à comprendre que l'homosexualité n'est pas un problème ? Peut-être. Mais j'ai décidé de le détruire.

Je n'ai jamais prétendu être un héros au grand cœur. À vrai dire, je me considère plutôt comme un antagoniste aux motivations égoïstes.

Un jour, j'ai fait du mal à Ange. Mon meilleur ami. Qui m'a pardonné immédiatement, qui m'a assuré que j'étais une bonne personne, qu'il m'aimait et qu'il comprenait les raisons de mes actes. Ange est... Ange m'a compris, en un sens. Il mérite que je me sacrifie pour faire payer ceux qui lui ont fait du mal. Et pour expier mes actes.

Moon's flowerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant