Moon's flower

67 - Insults hiding love

        Je reste immobile, assis dans cette chaise qui est désormais mon perchoir officiel, en face du lit d'hôpital de Moana, tandis que Teora s'amuse à me faire des couettes.

Mes cheveux ont un peu trop poussé. Je ne les ai pas coupés depuis plusieurs mois, ils commencent à m'aveugler. Ma belle-sœur prend un grand plaisir à me les tirer très fort en y accrochant des perles colorées et des fleurs rosées.

Moana est juste là. À côté de moi. Toujours plongé dans un coma artificiel. Son électrocardiogramme émet toujours des sons réguliers. Je ne le débrancherai pas. Il se bat pour vivre. Je lui ai promis que je le soutiendrais jusqu'au bout. Même si c'est difficile, je dois tenir bon. Pour lui.

Ça fait deux semaines. Parfois j'ai l'impression que ça fait trois mois. Deux semaines, dans une vie, c'est peu. Mais deux semaines sans Moana-... C'est invivable. J'ai l'impression de suffoquer.

« Monsieur Ange... Raconte-moi une histoire.

- Ma belle, je ne suis pas très doué avec ça...

- Allez !! S'il te plaît !!, me supplie-t-elle. Racontes-en une ! Moana en raconte toujours lui !!

Je pousse un long soupir. C'est difficile pour moi, mais ça l'est aussi pour Teora.

- Il était une fois... Un petit valet très froussard. Un valet qui était constamment effrayé, et toujours couvert de taches.

- De taches ?, demande sa petite voix fluette.

- Oui. Quoi qu'il fasse, son corps était couvert de taches bleues. Le valet vivait dans un château, le château d'un grand prince impulsif, aimé par toutes les princesses de la cour, très beau et très respecté. Lorsque le valet croisait le chemin du grand prince, il baissait les yeux, pour ne jamais le provoquer.

Teora sort de nouveaux chouchous pour continuer ma torture capillaire, et je jette un regard plaintif à Moana.

- Mais un jour, le grand prince rejoint le valet devant sa modeste chambre. Il l'invite à un bal, dans sa suite. Le valet est effrayé, il ne comprend pas pourquoi le prince s'intéresse à lui si soudainement. Cependant il sait qu'il doit le faire, qu'un valet ne peut pas désobéir à un prince.

- Il pourrait dire non !

- Il pourrait... Mais il ne l'a pas fait., souris-je simplement. Alors le valet se rend à ce bal. Le prince semble heureux de l'y voir. Ils discutent, dans un coin de la suite. Et... Les jours suivants... Le prince continue d'inviter le valet, qui ne comprend toujours pas son engouement mais il s'y plie. Le valet commence à s'y plaire, et il tombe amoureux du grand prince. Il sait que c'est mal. Qu'un prince et un valet ne sont pas faits pour s'aimer. Mais il sait aussi que son cœur lui hurle d'épouser le grand prince.

- Le valet est sacrément amoureux., remarque-t-elle en riant.

- Tu n'imagines pas à quel point.

- Raconte la suite !

- Le prince invite de nouveau le valet à un bal. Mais cette fois, le prince et le valet sont seuls dans le bal. Le prince apprend au valet que cela sera leur dernier bal. Il lui dit qu'une sorcière lui a jeté un sort, le faisant tomber amoureux du valet. Et cette malédiction ne s'arrêterait que s'il recevait un baiser d'amour sincère. Le prince lui dit qu'il a décidé d'arrêter d'importuner le valet, et lui propose malgré tout de danser. Pour la première fois, le prince et le valet partagent une danse. Ils dansent, une douce valse, en se souriant tendrement. Et à la fin de la danse, le valet embrasse le prince, pour le délivrer de son sort.

- Mais c'est horrible ! Ça veut dire que le prince n'aimera plus le valet !!, s'exclame-t-elle.

- La malédiction est levée, et le valet s'apprête à s'enfuir en courant. Car le valet est un froussard. Mais le prince le rattrape, et l'embrasse de nouveau. Il serre le valet contre lui, et lui explique qu'il l'aime même sans maléfice. Alors ils dansent de nouveau, plus sincèrement cette fois, et ils sont enfin amoureux tous les deux.