Chapitre 14

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Pourquoi venir dans un cimetière ? Très bonne question, Ryuzaki. Je viens pour elle. Je ferais tout pour elle, même si elle n'est plus parmi nous. Sans lui répondre, j'essaie de me rappeler où elle est, mais dès que je passe les lourdes grilles de l'entrée, tout me revient. Allée 21, rang 87. Plus je me rapproche d'elle, plus les souvenirs refont surface, rapidement accompagnés de larmes. Evidemment, Ryuzaki ne comprend plus rien, mais il me suit sans discuter. Je me doute que j'aurais droit à quelques questions, mais je ne m'en inquiète pas pour le moment.

Encore quelques pas, et nous y sommes. Il me suffit de me tourner de quatre vingt dix degrés sur ma gauche, et je verrais enfin son nom, gravé sur le marbre blanc aussi pur que son âme. Je suis vraiment stupide, j'aurais dû y penser avant, mais je n'ai pas pris de fleurs avec moi. Mais après tout, rien ne m'empêche d'en cueillir aux alentours.

- Qu'est-ce qu'il y a, [T/P] ? Où sommes-nous, et pourquoi me faire venir ici ?

- Je n'ai pas de réponse à votre deuxième question. Toutefois, pour la première ...

Je prends la plus grande inspiration de toute ma vie et j'essuie dans un geste désespéré mes larmes, en sachant très bien que je n'allais pas pouvoir me retenir davantage. Pourtant, je reste décidée et sans prévenir, je me tourne brusquement, surprenant Ryuzaki qui suit mon regard sur la tombe, étonnement encore bien fleurie presque deux ans plus tard. Des gens viennent encore la célébrer, cela me fait vraiment chaud au cœur. Il voit d'abord les dates de naissance et de mort, son visage s'attriste : elle venait de fêter ses seize ans. Puis son regard cherche le nom juste au-dessus, et ses yeux s'écarquillent lorsqu'il le lit.

Lily [T/N].

Lily [T/N].

Il se retourne vers moi, stupéfait, mais j'avais déjà oublié sa présence. A ce moment-là, plus rien d'autre ne comptait à mes yeux. C'était elle, et seulement elle, comme autrefois, et pour toujours. Je me suis mise à genoux devant sa tombe.

Ma petite Lily.

J'ai commencé à lui parler en pensée, pour ne pas qu'il m'écoute. Je lui ai dit à quel point elle nous manquait, à tous les trois. A quel point son absence dans ma vie me faisait mal. A quel point j'ai eu du mal à remonter la pente, et que je sais très bien que je n'y arriverais jamais réellement. A quel point je l'aime et que je ne l'oublierais jamais, quoi qu'il arrive.

D'un ton plus léger, toujours dans ma tête, je lui fais un récapitulatif de tout ce qu'il s'est passé depuis sa mort. Je lui parle comme si elle était en face de moi et qu'elle pouvait m'entendre. Je la visualise presque froncer les sourcils à certains moments, sourire en dévoilant sa fossette droite, s'inquiéter pour moi, se réjouir de certaines situations pour moi ... Comme avant.

Je m'imagine me rapprocher d'elle pour la serrer fort dans mes bras. Je ne veux pas faire de mouvements "réels", déjà que Ryuzaki doit me prendre pour une folle depuis qu'il s'est rendu compte qu'on était dans un cimetière, mais alors si je me mets à bouger et à prendre le vide dans mes bras ... Qu'est-ce que ça va être ?

Je suis pratiquement sûre de ne pas rêver, mais je ressens une chaleur sur mon épaule gauche, comme si quelqu'un avait posé sa main dessus. Je dissipe mes pensées et "reviens" dans mon corps réel pour mieux comprendre ce qu'il se passe. En effet, je discerne un léger poids à cet endroit de mon corps, mais je n'arrive pas à saisir ce qu'il m'arrive. Je me doute que c'est elle, Lily, qui vient me rendre une dernière visite pour m'assurer que je vais bien, avant de repartir l'esprit tranquille. J'avais déjà entendu parler de phénomènes dans ce genre, mais sans jamais avoir affaire à cela.

L'impression de chaleur s'estompe petit à petit pour disparaître définitivement. Je murmure un dernier "je t'aime", avant de me relever. Je n'avais pas fait attention que le temps avait changé, de gros nuages noirs obscurcissent le ciel près de nous. Un orage ne va pas tarder à éclater, il faudrait qu'on se mette rapidement à l'abri. Je jette un œil à Ryuzaki, qui semble ne pas m'avoir quitté du regard pendant tout ce temps. Il a une expression encore triste sur son visage :

L × ReaderOù les histoires vivent. Découvrez maintenant