Chapitre 18

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Je sombre.

Personne ne viendra me sauver. Je perds presque pied et n'espère plus rien. Au moment où je sens que je vais toucher le fond et m'endormir pour l'éternité, une main forte se saisit de moi et m'emmène vite à la surface. J'essaie de discerner la forme floue mais je n'y arrive bien.

Je suis bien trop sonnée.

— Léa ! crient des voix.

Elles sont différentes. Floues. Elles semblent venir de plusieurs côtés mais je remarque à peine le moment où la forme me dépose sur le sol, à quelques pas de la surface du fleuve.

Je crachote un peu d'eau en grimaçant. Je hais cette sensation. En respirant doucement, mes poumons me brûlent toujours. J'ai envie de pleurer mais je me retiens tandis que la douleur me tue à petit feu.

La douleur passe mes lèvres et je me recroqueville. Je supplie tout ce que je peux que la douleur passe mais non. Elle s'accroche à moi tel un fantôme.

— Calme toi Léa.

D'autres voix le rejoignent. Je pense croiser le visage de Alex ainsi que ses prunelles grises mais je ne reconnais que celles, mystérieuses et profondes, de Darrow. Je suis plutôt surprise que ce soit lui qui ait volé à mon secours mais ça ne m'intéresse pas.

Je déglutis et regarde autour de moi. Ale est assise juste à côté de moi et me caresse le bras pour me rassurer. Ses yeux sont bienveillants mais principalement inquiets. J'essaie de me relever mais ça me fait si mal qu'on me force à me rallonger.

Plus loin, Alex me regarde lui aussi inquiet et ne cesse de jeter des coups d'œil autour de lui, comme peureux d'un quelconque danger autour de nous. Il se mord la lèvre et semble sur le point d'exploser, ce que je remarque à ses jointures blanches et ses mains serrées. Il soupire.

À côté de lui est postée Shelley. À contrario du jeune homme, elle ne semble pas si inquiète que ça, juste préoccupée. Et elle est proche de Alexander. Bien trop proche.

Mais je m'en intéresse pas plus que ça, à vrai dire. La sensation de brûlure m'empêche de me concentrer sur ce qui est autour de moi. Je peux seulement gémir et supporter.

Comme toute personne normale, j'essaie de me relever une nouvelle fois. Contre toute attente, Alexander se précipite vers moi et prends mes bras pour m'aider à me lever.

Darrow veut dire quelque chose mais en un seul regard, Alex le dissuade. J'ai tourné la tête pour voir mais il ne m'a pas laissé le temps de capter leur échange sourd. Alex me tient et me fait avancer d'un pas mais Darrow lui barre la route.

— Elle est bien trop faible. Tu ne peux pas faire ça.

— On se casse, dit simplement le jeune homme.

— Alex réfléchis.

— Toi réfléchis, contre-attaque-t-il. Elle n'a pas bougé d'un seul doigt et est tombée dans le fleuve. C'est bizarre. Même avec la barrière, on est en danger. Je ne reste pas plus longtemps là et certainement pas Léa.

Le blond ne sait pas quoi répliquer pour expliquer au futur alpha que c'est trop pour moi de marcher mais je le dissuade d'un coup de tête. Malgré la tête qui tourne, les poumons qui semblent sur le point de déclarer forfait, je veux marcher et rentrer chez eux. Darrow semble le comprendre en un seul regard puisqu'il secoue la tête négativement et abandonne.

— Alex, fait Ale. Il a raison.

Son frère ne lui répond même pas car il ne semble même pas en avoir la force et tourne son visage vers moi. Quelque chose semble passer.

— Tu veux rester là ou rentrer ? me demande-t-il haut et fort pour que tout le monde puisse entendre.

— Je...je pars, je balbutie, la gorge en feu.

Il acquiesce et met son bras sur son épaule. Ce soudain rapprochement entre nos deux corps a raison de moins puisque je perds encore plus le contrôle de moi-même. J'ai l'impression de surchauffer. Ça me gêne terriblement, surtout quand je sens mes joues se transformer en un plan de tomates entier. Ca ne semble pas le déranger plus que moi. Il avance à mon rythme et ne presse pas, même quand je claudique en sortant de la forêt. Je crois bien qu'on a pris plus de temps que nécessaire cette fois-ci. Entre temps, Alexia a passé un de mes bras autour de ses épaules. Nous sommes partis si furtivement que je n'ai pas eu le temps de dire au revoir à Darrow et Shelley. De toute façon, je ne suis pas sûre qu'ils auraient compris avec ma voix enrouée. 

Epuisée, je finis par apercevoir la maison et souffle de soulagement. Mon thorax me brûle beaucoup moins mais je n'arrive toujours pas à réaliser que j'ai été si proche de la mort. Et pour une raison inconnu. Alexander n'a rien dit ; mais j'ai vu ses yeux inquiets qui observaient autour de nous. J'ai compris, dans un éclair de lucidité, que quelqu'un m'avait intentionnellement poussée. Mais je cesse d'y penser. Je n'ai ni l'énergie, ni la patience de réfléchir aussi longuement. 

Arrivée au seuil de la porte, Alexia se détache. 

— On fait comment pour la monter ? 

— Je vais la porter, dit Alex.

Je ne comprends pas tout de suite avant de saisir qu'il compte me porter jusque dans la chambre.

— Quoi ? m'exclamé-je. Non ! Hors de question.

Je me défais un peu de son emprise pour lui montrer qu'il hors de question qu'il me porte. Je ne suis pas une princesse ! C'est bien trop gênant pour moi, déjà que j'ai les joues qui chauffent terriblement quand j'ai senti ses abdominaux contre mes côtes. 

— Léa, soupire-t-il.

— Non. 

Il obtempère même si Ale m'offre une moue mélancolique. Ca ne lui plait pas, visiblement. Quand nous montons dans les escaliers, je refuse de continuer à me faire aider par le jeune homme et m'accroche de toutes mes forces à la rambarde en avançant à petit pas. Je dois avoir l'air d'une vieille femme qui n'en peut plus. Plutôt marrant à voir de l'extérieur. Je finis par atteindre la porte et Alex l'ouvre pour moi. Sans plus attendre, munie de mes dernières forces, je me laisse tomber sur le lit. 

— Ca va aller ? me demande Alexander.

Les yeux mi-clos, je l'observe. Je n'aurais pas cru qu'il serait prêt à m'aider. Et rien que pour ça, je lui en suis reconnaissante. Je lui réponds un faible << oui >> et il referme la porte derrière lui, non sans m'avoir dit de me reposer.

Je souris en y pensant et m'endors tranquillement. 

— Tu as besoin d'aide ?

Il est là, devant moi. Le jeune homme. Il me sourit, à moi. Une louve forcée d'avoir quitté sa meute car elle n'y trouve rien là-bas. Pas de mère aimante, un meilleur ami qui l'a délaissé, une meute qui la considère comme un boulet. C'est moi

Il est différent, je le sens, je le sais, au plus profond de moi. Je devrais me méfier mais quelque chose me pousse au contraire. Je prends la main qu'il me tend, je ressens la chaleur qui émane de lui.

Non, il ne m'a jamais déçue. 


La Malédiction de La Luna (S1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant