La Malédiction de La Luna (S1)

Chapitre 34

Alexia est toujours aussi pâle qu'il y a deux secondes et j'ai l'impression qu'elle ira bientôt rejoindre les morts, proche de rivaliser avec leurs teints cadavériques.

— Je viens, sort-elle de but en blanc.

Je me retiens de grimacer car je sens une sorte d'électricité parcourir la pièce silencieusement, se mouvant entre elle et son frère. Celui-ci change du tout au tout. Il émet une grimace et soupire avec peine.

— Alexia... Je t'en prie.

— Non, le coupe-t-elle aussitôt. C'est sans appel. Je veux aller sur sa tombe avec toi, et je ne changerai pas d'avis. Tu me connais alors ne perds pas ton temps, j'irai.

Un nouveau soupir passe les lèvres d'Alex avant que son visage se durcisse. Plusieurs émotions traversent son visage, mélangées entre elles mais c'est la dureté qui finit par prendre le pas, à ses sourcils froncés. Et sa sœur, bien évidemment, ne rate pas ça.

— Oh mais tu peux bien te mettre en colère, ça ne me fera rien. Tu auras oublié d'ici demain.

— Je ne suis pas sûr ! Tu sais très bien qu'il est dangereux qu'on aille la voir ensemble, dévoile Alex.

Je cligne des cils, un peu perdue. Je n'ai jamais entendu ça mais je suppose qu'il est risqué de sortir par ces temps...compliqué. Je suis sûre que des loups courent en ce moment à ma recherche dans les bois, prêts à me kidnapper et cette simple évocation me laisse des frissons et des traînées froides sur ma peau. Revenir toujours sur ce même sujet est épuisant alors je me focalise de nouveau sur la discussion qui se passe juste sous mon nez.

— Alex, tu sais très bien ce que j'en pense. Il est mille fois plus risqué d'y aller seul, sans l'aide de personne et surtout, on fait quoi si tu ne rentres pas ?

— Je sais me défendre, rétorque Alex, les dents serrés.

— Alex. Avoue-le, tu refuses la violence, comment tu veux réussir ne serait-ce qu'à te défendre ? Ne me sors pas toutes les réponses inimaginables juste pour me protéger.

Aussi fugace soit-il, je vois un éclat de douleur traverser les prunelles du jeune homme quand sa sœur lui dit ça. Je fronce les sourcils ; je suis certaine de ne pas avoir rêvée, même dans la pénombre de la pièce. En simple spectatrice, je ne pipe pas un mot, aussi étrangère que possible. Je fixe inlassablement le sol, et le silence s'éternise. Je me vois mal le briser puisque je n'ai aucun rapport dans l'histoire et ai-je vraiment un rôle dans leur famille ?

Je manque de m'esclaffer devant eux. Bien sûr que non, je n'ai aucun rôle, aucune place dans cette famille qui ne m'apparait plus autant parfaite qu'avant. Je ne fais pas attention à ce quelconque pincement au cœur qui n'a aucune importance puisque la vérité fait mal. Alors je ne suis pas en droit de l'être.

Je reporte mon attention sur la scène. Alexander, quant à lui, n'a toujours pas répondu à sa sœur jumelle, en face de lui, les sourcils froncés et la mine pour la moins déterminée, décidée à le braver. Mais comme chaque fois, son corps parle pour lui. Il passe de nouveau la main dans ses cheveux et les lignes de sa mâchoire se tendent. Il est à cran, et plus que de raison, j'ai bien l'impression.

— Et Léa alors ?

— Hein ? je fais, soudainement décontenancée par sa demande.

Il me jette un coup d'œil qui fait battre mon cœur de nouveau plus vite mais je ne montre absolument rien, déterminée à être aussi hermétique qu'une porte blindée. Ale me regarde aussi avec surprise. Comprenant que nous sommes perdues, Alex murmure, agité :

— Nous ne pouvons pas laisser seule. Tu le sais très bien. Depuis qu'on a eu...le problème, quelqu'un doit être avec elle.

Quand je réalise de quoi il parle, je me retiens de lever les yeux au ciel en pinçant des lèvres. Quelques jours après qu'il y ait eu l'incident du téléphone, Rodric a décrété que quelqu'un devrait toujours être avec moi. Depuis, Ale est restée avec moi chaque instant même si j'étais parfois dans le salon avec son frère quand elle partait faire quelque chose. Alexia n'est pas quelqu'un qui fait beaucoup de promenade et n'a pas besoin de se débarbouiller les pattes, seulement quand quelque chose l'a ébranlée.