Chapitre 8

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Je suis enfin dehors. L'air frais me fait frissonner et les bruits discrets de la forêt me mettent à l'aise. Seulement, une autre partie de moi, où loge la peur et la lassitude, prend le dessus.

En me retournant, j'observe cette femme, si cruelle et vile. Sa cruauté est aussi féroce que sa beauté n'est légendaire.

Ma mère, ma génitrice, ma pire ennemie en ce monde. Sa colère ne s'arrêtera jamais et son mépris m'empoisonne. Mais c'est terminé, car elle ne peut plus rien faire.

Elle avait raison. Je suis puissante, innateignable pour elle. Elle ne peut plus abattre ses mains sur moi, me couvrir d'injures et me plier à sa volonté.

Non. Aujourd'hui, j'ai 14 ans, l'âge de maturité chez les loups et je m'envole pour, j'en suis sûre, une meilleure voie. Vers une meute qui saura m'accepter, qui ne m'abandonnera pas entre les mains d'un persécuteur.

Je jubile, éclate de rire et regarde une dernière fois ma mère.
Cette fois, c'est moi qui part, sans un seul regret, sans un seul regard.

Elle crie mon nom tandis que la pluie s'abat sur la forêt, l'eau glissant sur mon visage, sur mon corps, se déversant à mes pieds, sur le sol boueux. La lune, au loin, éclaire de sa lumière rayonnante la planète, la nature et même les humains. Un guide, une amie, une protectrice.

Je sais qu'elle me protégera, comme moi, j'ai protégé les miens, il y a bien longtemps. J'entends une dernière fois le cri de ma mère, qui n'est plus qu'un écho. Je ferme les yeux et me concentre. Pour oublier, ranger dans un coin de ma tête cette enfance désastreuse et ne plus y penser. Et repars sur mon chemin.

Je n'ai rien sur moi, aucun bagages, aucune attache, aucun sentiment pour mon ancienne meute et ni pour mon inexistante famille. Je suis libre et soulagée car j'ai pu enfin me libérer de cette emprise malsaine qu'exerçait cette femme sur moi.

À cause d'elle, j'ai souffert terriblement. Mais je peux néanmoins la remercier pour une chose : ma puissance. Elle m'a bien souvent poussée à me dépasser et à toujours me parfaire.

Soudainement, je sens une présence près de moi.

— Léana, me souffle une voix douce et familière, résonnant dans tout mon être.

Je souris et un petit rire vient passer mes lèvres. Qu'il est si bon de la reconnaître ! La louve — ou déesse — de la nuit m'apparaît, éblouissante et scintillante.  Le mauvais temps ne semble pas l'atteindre tandis que je patauge dans un déluge, trempée jusqu'aux os.

Une aura blanche volumineuse l'entoure doucement tandis que sa robe noir parsemée d'étoiles virevolte quand elle vient se poser sur le sol.

Ses beaux yeux verts se posent sur les miens et je me permets de regarder son visage que j'avais oublié, un instant. Ses cheveux noirs corbeaux encadrent son visage ovale et font ressortir ses lèvres roses et fines. Une déesse, voilà ce qu'elle est. Elle prend la parole :

— Je vois que tu sais maintenant qui tu es. Léana.

— Oui, ma sœur. Et je suis en pleine possession de mes pouvoirs. Et de ma mémoire. Merci de m'avoir guidé depuis le début.

Sur son visage se peint l'ombre d'un sourire mais il est trop furtif pour que je puisse l'apercevoir réellement. Si seulement je pouvais lire en elle si facilement.

— J'en suis heureuse. Je suis venue pour t'aider. Tu es enfin partie de la meute du Nord. Va dans celle du sud. Tu trouveras une véritable famille, m'informe t-elle en pointant de son doigt le sud.

— Une famille ? En quoi en ai-je besoin ? Je t'ai toi, je demande impassible et renfrognée.

Elle m'observe longuement avec un regard entendu, que je n'arrive point à décrypter. Elle a le don de me déstabiliser nombre de fois. Elle est comme un livre à moitié ouvert qui ne s'ouvre seulement quand bon lui semble.

— Tu as oublié ce pourquoi tu es sur terre. Tu as le même but que tous les humains. Tu es peut-être une déesse mais n'oublie pas : nous avons tous un cœur. Ce qui ne t'empêche pas de rechercher ce que tous rêvent. Tu le trouveras là bas.

Je fronce les sourcils, déconcertée par son petit discours. J'ai recouvré ma mémoire, et il me manquerait une chose ? Peut-être était-ce exprès ?

Elle rigole et son rire retentit tout autour d'elle, comme une mélodie, un chant indéchiffrable et magnifique.

— Tu poses les bonnes questions. À plus tard. On se reverra petite sœur, fait-elle d'un sourire entendu avant de disparaitre.

La lumière qui l'entourait disparaît aussi vite qu'elle est apparu et seul le noir reste.

Je n'ai pas compté ni les heures ni les minutes qui se sont écoulées depuis que je me suis endormie mais je vois le soleil qui commence à pointer.

La rosée du matin m'indique qu'il est plus de cinq heures. Il est temps de se lever et de reprendre la route jusqu'à la meute du sud.

Je grimace en relevant juste mon dos et presse mes mains contre mon front. Il me faut du temps pour mon corps endolorie de se remettre en marche.

Quand je m'apprête à me relever sur mes mains, une ombre me couvre entièrement. Le cœur sur le rebord de l'implosion et le souffle court, je relève les yeux et j'y croise une bonté et une douceur inégalée, cachées sous une musculature impressionnante.

C'est ma première rencontre avec lui, mon Alex.

La Malédiction de La Luna (S1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant