Chapitre 3

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150 jours

Le soleil m'enveloppe et me donne chaud. Il éclaire mes yeux et je mets mes mains en visières pour mieux voir ce qui m'entoure. Dans le jardin, les cigales commencent à chanter, annonçant le début de l'été.

Les abeilles cueillent le pollen des fleurs et les fleurs s'épanouissent. Tout est coloré, passant du jaune au vert. Au milieu de tout cela, je reste accroupis dans l'herbe.

En fermant les yeux, je savoure le silence de la nature mais quand des bruits de pas attirent mes oreilles, je me redresse d'un bon sur le bout des doigts. Derrière moi se tient un garçon que j'ai déjà vu.

Son visage me revient en mémoire et je me souviens qu'il était l'un des deux garçons qui s'étaient disputés. Je prends peur et recule, le cœur battant à tout rompre.

—Comment êtes-vous rentré ?

—Par le jardin, me sourit-il.

Son sourire m'affole encore plus que la seconde précédente.

—Partez !

Il devient sombre et baisse un peu les yeux.

—Désolé, je ne voulais pas te faire peur. Je voulais juste te revoir. Je m'appelle Léo Pen.

Au bord de la crise, j'essaye calmer mes nerfs et l'adrénaline qui court le long de mes veines, s'étant répandu le long de mon corps. J'essaye de masquer les tremblements de ma main, en priant pour qu'il ne le remarque pas.

Le problème n'est pas qu'il est rentré par effraction (même si ça devrait l'être), non, c'est que je suis hypnotisée par ses beaux yeux marrons dorés, son teint mate et ses cheveux bruns. Il n'a rien de particulier et pourtant, je me sens attirée de force.

Comme si il était celui qui pourrait me délivrer de mes tourments et m'aimer comme je suis. Je reprends contenance pour ne pas perdre pied et crie :

—Vous n'avez rien à faire ici ! D'où vous rentrez chez les gens comme ça, vous ?

—Je... Excusez moi, bafouille t-il.

Et il s'en va. Dès qu'il est parti, je saute sur mes pieds et court pour rentrer dans ma maison. Une fois dedans, je frotte mes mains sur mes bras froids. J'ai bien cru que j'allais fondre sous son regard.

Pourtant, je suis froide comme la glace. Je passe par la cuisine, dépasse la salle de bain et monte dans ma chambre, loin des regards. Une fois dans la mienne, je soupire en frissonnant. Il a mis mon cœur en feu, a inscrit sur ma peau un passage indélébile en une seule seconde. C'est ça qu'on appelle le coup de foudre ? Je me redresse avec une force incroyable, choquée.

Je secoue la tête. Mais non, c'est impossible. Ce sont des conneries Léana ! Pourtant, quand j'y repense, mon cœur se réchauffe d'une douce chaleur qui me laisse de marbre, comme si mon propre corps m'était étranger. Est-ce que je suis entrain de désirer un inconnu ?

Qui pourrait très bien être un violeur ou un dangereux psychopathe, vu comment il s'est faufilé avec facilité dans mon jardin. Je me recouche violemment sur le matelas, le faisait bondir comme un ressort.

Je pose ma main sur mon front. Tout part de travers dans mon esprit. Je ne sais plus où j'en suis.

—Léana ? questionne une voix.

Je me redresse. Ma mère a passé la tête de l'embrasure de la porte, se demandant sûrement ce que je suis entrain de faire.

—Oui ? je fais en haussant les sourcils.

—Il est l'heure de manger.

Oh. Je sors de mon lit, non sans avoir repousser les épaisses couvertures avant. Je descends les escaliers et remarque tout est déjà prêt, mon père déjà assis à sa place habituelle.

Il semble concentré sur son journal. Ses cheveux noirs lui tombent sur les yeux et ses yeux marrons fixent sans arrêt le papier. Le téléviseur est allumé et diffuse les informations d'aujourd'hui.

Je m'assois et ma mère vient aussi nous rejoindre. Nous attaquons notre repas et mes parents ont les yeux fixés à l'écran de la télévision. Mon père monte le son et celle-ci émet une annonce importante :

«—Aujourd'hui, nous relatons un grave accident dans le village de Laune* (je retiens mon souffle, c'est notre village. Que s'apprêtent-ils à dire, cette fois-ci ?). Un couple se promenait dans la forêt quand ils ont été attaqués par des loups sauvages. Leurs corps ont été retrouvés broyés sous les dents de ces animaux.

— Nous le répétons, faites attention autour de vous car ces loups semblent être beaucoup plus sauvages que la plupart. Nous pensons que ces carnivores n'ont pas tués pour manger. Comme le montre l'autopsie, les corps n'ont eu que des dommages et aucuns membres n'ont été dévorés. Nous conseillons donc encore plus la population de ce village de redoubler de vigilance.

— Le maire a pris aussi la décision de mettre en place des chasseurs pour éviter d'autres morts. Tant que les loups resteront dans la forêt et laisseront les visiteurs et les habitants tranquilles, les chasseurs ne les tueront pas. Ils sont une espèce protégée. »

L'envie de manger a disparut, ne restant plus qu'un goût amer remontant le long de ma gorge, comme si j'avais avalé des insectes grouillants.

Ma mère semble aussi être dans le même état que moi car elle débarrasse tout de suite et part dans la cuisine pour continuer ses affaires. Mon père, quant à lui, paraît décontenancé. Il éteint et termine son assiette. Peu après, il ne reste plus que moi, seule en face de mon assiette refroidie.

Tout ça commence à me faire peur et il y a de quoi. Les loups sont de belles créatures mais aussi très dangereuses. Je sors de table et remonte directement dans ma chambre. Je décide de consacrer le reste de mon après-midi à terminer mon devoir de français pour demain à ma prof via internet.

Cela se passe sans accroc et le soir survient très rapidement. Malgré le fait que je n'ai pas beaucoup mangé, je n'ai pas faim. Alors je ne descends pas dans la cuisine et réfléchis, assise contre le rebord de ma fenêtre.

En bas de mon jardin, une forme noire m'attire. Je plisse des yeux pour mieux la distinguer et des oreilles grandes et pointues me mettent la puce à l'oreille.

Je bondis sur mes pieds, affolée. La forme s'avance et sous la clarté de la lune et les ombres dansantes des arbres, j'y distingue un loup.

Sans plus attendre, malgré mes boyaux qui se tordent, je ferme les volets à toute vitesse et vais me réfugier sous ma couette, tremblante. Et c'est ainsi que je m'endors, sans le regard compatissant de ma compagne, sans protection.

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* : Village inventé.

La Malédiction de La Luna (S1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant