Chapitre 36

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Tous ces bruits qui atteignent mon oreille m'émerveillent. Bien sûr, je les aies déjà entendus mais cette fois, je suis dehors.

Oui, je suis dehors.

Je ne peux m'empêcher d'observer les alentours avec une excitation mal dissimulée. Je suis si impressionnée par les façades gigantesques et pittoresques de certaines maisons, les rues pavés sous nos pieds et le petit air vieillot que donne la ville que je n'entends qu'au dernier moment le grognement du loup qui me porte.

— Oh ! Pardon, je murmure en me levant.

Me porter n'est pas une mince affaire. Même si je suis sûrement plus légère qu'une plume, j'ai dû déranger le loup. Les battements effrénés de son cœur plus tôt sont peut-être dues à cela. Mais je ne préfère pas imaginer quand je me rappelle de sa douce chaleur. Mes traîtres joues rosissent une nouvelle fois et je secoue la tête pour chasser la sensation de bien-être qui me tord l'estomac. Je ne comprends pas mes propres sentiments, pour une fois. Mais je mets de côté car je ne peux pas m'y pencher tout de suite.

Le loup ne fait aucun autre son et court se cacher dans un bosquet, tant encore que nous ne sommes pas complétement hors de la forêt, à la lisière de la ville. Une main s'abat sur mon épaule, ce qui me fait sursauter, et un rire retentit aussitôt après. Alexia me regarde avec les yeux qui pétillent de malice, contente de son coup. Pour ma part, je soupire pour la forme. Après avoir intimement côtoyée la jeune fille, je suis habituée à ses taquineries.

Mais je n'oublie pas que je suis dehors. Enfin.

Pour la première fois de ma vie, je suis libre, sans aucune barrière et je me demande vraiment pourquoi je n'ai pas tapé du poing sur la table plus tôt. Parce que tu n'oses pas. Pourtant, le détour en vaut la peine quand je vois ce à quoi je fais face. Ma ville.

Celle que je n'ai jamais connu. Je ne suis jamais sortie avec des amis, je n'ai jamais fait les boutiques en me promenant à travers ces jolies petites rues qui ont leur charme, je n'ai jamais rien fait. Je déglutis, le ventre noué. Je ne sais pas vraiment ce que j'ai perdu - à part des amis bien évidemment - et je m'apprête à le découvrir.

Rappelle-toi, tu ne dois toucher personne.

Je souffle, aussi stressée que je puisse l'être. Mes mains me démangent et je les regarde, car je sais de quoi je suis capable. Et si je tuais quelqu'un ? Penser que ces mains puissent ôter la vie me donne envie de vomir. Je les regarde se refermer avec une lenteur hypnotique.

Je ne dois toucher personne, sinon c'est la fin.

Je veux découvrir cette ville, celle où j'ai toujours vécu mais que je n'ai jamais pu visiter. Cependant je ne peux pas ignorer que ma mère m'a interdit de sortir pour ne pas que je sème le chaos. Sophie... Son souvenir est toujours douloureux et frais, elle est ce qui me tient en haleine, celle qui me rappelle que je suis dangereuse pour autrui - sauf les loups -.

— Tu as peur de toucher quelqu'un par mégarde ? me demande la voix féminine.

Je pivote le visage vers Alexia où j'y vois briller une lueur inquiète au fond de ses pupilles grises. Elle s'inquiète pour moi, je le vois bien et ses mains s'accrochent à mon épaule, froissant le haut de son frère.

— Je...je suis désolée, se confond-t-elle en excuse. J'avais oublié, on n'aurait jamais dû venir ici, je...désolée, on va repartir.

Elle se détourne de moi pour aller se changer de nouveau mais je l'en empêche, secouant la tête silencieusement.

— Je vais y arriver, il va juste falloir que vous m'aidiez.

— T'aider en quoi ? coupe Alex derrière moi, maintenant changé.

La Malédiction de La Luna (S1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant