Chapitre 7

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— Debout ! me crie une voix féminine.

Mes paupières s'ouvrent doucement et je frissonne. La couverture qui me couvrait a été enlevée et le froid entre dans mes vêtements. Je reçois soudainement une claque sur la jambe et mon cœur explose soudainement. Je me relève sur mes bras et regarde ma mère, debout devant moi, menaçante.

Ma gorge se noue et je n'ose plus bouger de peur qu'elle ne me frappe une nouvelle fois.

— Allez, grogne t-elle. C'est l'heure, espèce de désobéissante petite chose.

Sans plus attendre, je bondis du lit et me poste devant elle, attendant patiemment qu'elle me dise quoi faire. Tant bien que mal, j'essaie d'ignorer la peur qui me chatouille le corps et essaie de pénétrer par dessus ma peau.
 
Ma mère est un monstre et ce, depuis petite. D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours eu peur d'elle, de ce qu'elle pourrait me faire, de ses mains qui me frappent et de ses mots aussi tranchants que des couteaux.

Mais personne ne peut me sauver.

— Dehors.

Je baisse la tête, déglutis et me précipite dehors à petits pas, ma mère sur mes talons. Je ne cherche pas à la fuir, c'est une bataille perdue d'avance.  Une fois dehors, le paysage me salue. Le soleil se lève tout juste, les bois m'accueille et je me sens revivre.

Entourée de la nature, je me suis toujours sentie pleine, entière. Comme si elle constituait ma force, mes pouvoirs. Je le soupçonne. Les magiciens sont connectés à la nature et j'en suis une. Seulement, je suis aussi une louve. 

Et d'après maman, ça n'est jamais arrivé. Voilà pourquoi je suis si spéciale et elle entreprend de le cacher au reste du monde, de la meute, tant que je ne suis pas prête. 

Tu sais quoi faire. Allez, récite les formules que tu connais et n'oublie pas les éléments.

Je prends une grande inspiration, ferme les yeux et laisse mes lèvres dirent ses mots qui me laissent de marbre, comme une litanie que je répète sans cesse, un poème appris par cœur.

Ventus, et ut succendam in mundo.*

Le vent m'obéit, se lève et souffle. Les feuilles des arbres tombent et s'éparpillent, s'envolent. Mes cheveux s'emmêlent et me cingle le visage.

Quand je décide enfin qu'il s'arrête, je serre le poing. Le vent essaye de m'imposer sa volonté mais abandonne vite face à moi.

Fen, Brule et voûté la chaleur sur la terre.

Devant mes yeux, le feu s'allume et brûle, fier. Je l'observe, rouge et chaud. Une fois encore, j'ordonne qui s'éteigne doucement et il s'enflamme avant de s'éteindre peu à peu.

— Les éléments ont quelques peu du mal à t'obéir. Tu n'es pas assez douce.

— De toute façon, tu n'es jamais satisfaite. Alors à quoi bon continuer ? C'est tout ce que je sais faire. Contrôler les éléments.

La minute d'après, ma mère explose. Elle devient rouge et les jointures de doigts deviennent aussi blanches que le linge qu'elle lave.

— Tu n'es qu'une insolente ! Espèce de petite chose mauvaise. Tu ne contrôles pas les éléments. Leur commander de se lever et de disparaitre ne suffit pas. Tu n'es pas une magicienne. Tu n'es rien.

Ses mots rentrent en moi aussi facilement que le vent que j'ai éteint. Je serre les dents et m'empêche de pleurer, malgré l'envie.

— Si tu crois qu'il te suffit de cela pour réussir, tu te trompes lourdement, idiote, rigole sadiquement ma génitrice. Tu vas t'effondrer au premier pas. Allez, continue au lieu de pleurnicher.

La rage s'empare de mon cœur mais je suis forcée de la taire au fond de moi. Comme toujours. Alors je l'écoute et reprends mes efforts.

Mais comme toujours, je me retrouve enfermée, seule et désespérée, avec pour seule compagne la lune, ronde et accueillante.

Je me réveille en sursaut sous des cris de voix familière.

— Léana ! Réveille toi, bon sang de bonsoir.

— Maman ? je souffle, à moitié endormie.

— Oui ! Que fais-tu à dormir dans le jardin, on a eu peur !

En clignant des yeux, je m'appuis sur les coudes et prends le temps de reprendre mes esprits. Quand je regarde autour de moi, les fleurs et l'herbe m'entourent. Mon jardin me paraît plus dangereux, la nuit, grouillant de bêtes, n'attendant que de me dévorer.

Qui sait, j'aurais pu me réveiller seule, sans personne pour me tenir compagnie. Soudain, je réalise que Léo m'a laissé dans le jardin mais ça, maman ne doit pas le savoir.

— Désolée, je suis sûrement fatiguée.

Maman me regarde d'un air désapprobateur et m'aide à me relever, sans commentaire. Je sens qu'elle brûle de savoir pourquoi, mais je ne peux rien dire, alors je me tais. Dans la maison, je ne reste même pas pour le dîner et monte directement me coucher, même si je n'en n'ai guère besoin.

Je m'étale sur le matelas et fixe le mur de ma chambre. En plissant des yeux, j'essaie de me rappeler de quoi j'ai pu rêver. Et comme des artifices, les souvenirs affluent en moi. Cependant, je ne comprends rien.

Une adolescente de quatorze ans ? Elle semblait aussi proche de la lune que je ne le suis. Elle aussi se sent protégée et comblée ?

Puis je repense à Léo et de nouveau, mon esprit recommence à vagabonder près de lui.

Et mon cœur et mon esprit s'apaisent et je finis par m'endormir, une nouvelle fois sans la lune.

*Phrases en latin.

La Malédiction de La Luna (S1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant