Chapitre 3 : Bernadette se déchaîne

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 En ce dimanche de 1er avril, le soleil, brillant dans un ciel sans nuage, donnait l'impression d'être déjà en juin. Sans grande surprise, les flâneurs avaient pris d'assaut le parc. Parmi ceux-ci comptaient Colette, poussée par sa fille, et Natasha, qui tenait Patounet en laisse. Elles faisaient leur possible pour consoler Manon :

 — Manouche, ce n'est pas dramatique ! Toi-même as dit « Émile est comme les pizzas, sauf qu'elles, on peut les commander sans champignons » !

 — Mais c'est parce que j'étais triste ! De toute façon, vous ne pouvez pas comprendre : vous n'avez jamais eu le cœur brisé par un type qui vous as jeté comme un poireau moisi !

 — Qu'est-ce que t'en sais ! contredit sa mère. Bon, c'est vrai que pour moi, ça ne m'est jamais arrivé... mais toi, Nana ? Est-ce quelqu'un t'a déjà abandonnée comme... comment tu dis, Manouche ? Une courgette périmée ?

 — Un poireau moisi, mamie. Et, non, non-plus.

 Elles arrivèrent à une place où des jeunes jouaient au football. Colette lança soudain :

 — J'ai froid. Et je me sens fatiguée !

 — T'as froid ? Mince, on n'a pas pensé à prendre de couverture...

 — Ce n'est pas grave. Ici, c'est au soleil. Allez jouer avec Patounet. Il en meurt d'envie ! Moi, je vais rester ici et faire une petite sieste. Comme ça, vous pourrez lui enlever sa laisse et courir sans que je vous gêne, avec mon fauteuil !

 — Mais tu vas t'embêter, toute seule !

 — Mais non !

 Au même instant, le ballon de foot évita de peu son crâne.

 — S'cuse ! cria une adolescente. C'est la première fois que mon copain joue !

 — Vous voyez ? reprit la vieille dame comme si de rien n'était. Il y a de l'animation, ici ! Non, ne vous en faites pas pour moi.

 Ses compagnes haussèrent les épaules. Elles détachèrent alors Patounet qui détala à travers les arbres.

 À peu près au même moment, Bernadette, poussée par Émile et son babillage incessant, franchissait les grilles du parc. Si elle avait prêté attention au garde, elle aurait remarqué qu'il radotait. Il était en effet peu concentré, ayant juste avant de sortir contacté sa copine en ces termes :

 — Coucou, Marcelle ! Oui, exact, chérie ! La vieille veut prendre l'air, donc je la sors ! Tu sais, là où d'habitude... comment ? Évidemment, qu'il faut absolument qu'on en profite pour se voir ! Je la laisserai quelque part, et à nous la liberté ! Hein ? Quand ça ? Bah oui, maintenant, pas dans trois ans... mais évidemment, qu'il faut tenir compte du temps qu'on prendra pour y aller ! Ouais, à pied. Le fossile déteste la voiture. Je parie qu'elle fait exprès puisque je la pousse. Enfin, ouais... à plus ma libellule !

 Ils arrivèrent à une place où des jeunes jouaient au ballon. Une vieille dame en chaise roulante sommeillait. Émile s'affaira brusquement :

 — Hop hop hop le petit plaid – il tira une couverture de sous le fauteuil –, hop hop hop le petit thermos – une bouteille apparut de la même poche –, et maintenant on va faire une bonne sieste au soleil !

 — Hein ? Mais arrêtez, j'ai trop chaud ! Que voulez-vous que je fasse d'un thermos de café bouillant et d'un plaid aussi épais au soleil ?

 — Un bon petit somme, Bernadette, ma chérie ! Un bon petit somme ! Un bon gros dodo qui va bien nous reposer, n'est-ce pas ?

Attention, Mémé méchante !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant