Chapitre 6 : Comment faire de l'effet à son voisin

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 Le lundi deux avril, ce fut une Colette anxieuse qui roula jusqu'à la salle à manger des Bujold. Déjà attablés, ils ne manquèrent pas d'être surpris :

 — Tiens ! Vous êtes bien matinale, Bernadette !

 — Oui ! Habituellement, vous prenez votre petit-déjeuner au lit !

 — Et surtout, gémit Émile, exténué, en accourant, vous les prenez plus tard ! Madame n'a donc pas pitié du personnel ? Mais quelle mouche vous a piquée, ma chérie, pour que vos habitudes changent ?

 — Eh bien... les habitudes sont faites pour être cassées ! ânonna Colette.

 Le garde soupira et sortit de la salle. Gonzague, qui fixait son portable, s'éclipsa en marmonnant quelque chose qui devait être « à plus' ».

 Bon. D'une certaine manière, cela arrangeait madame Corlier. Pour parler d'un sujet aussi délicat, elle préférait de loin être en tête-à-tête avec les maîtres de la maison... ses prétendus « neveux ». Elle mit les pieds dans le plat :

 — Hum... J'ai quelque chose de délicat à vous annoncer...

 Tout d'abord, silence. Personne ne releva. Cela n'avait pas dû inspirer ses interlocuteurs. Elle répéta :

 — Heu... J'ai quelque chose à vous annoncer... Mais vraiment ! Je suis sérieuse !

 — Oui, oui, vous êtes délicate de l'estomac. Et, après, Ferdinand, figure-toi que le boucher m'a répondu : « oui, mais moi, j'ai été malade pendant trois jours » !

 — Tordant, Toinou !

 Colette haussa les sourcils. On n'avait pas dû l'écouter. Elle toussota :

 — Non, je ne suis pas délicate de l'estomac ! Je disais que c'était d'un sujet délicat que je dois vous entretenir...

 — Ah, vous vouliez nous parler, Bernadette ! Eh bien, allez-y. Parlez.

 — Je... Je ne suis pas votre... tante...

 — Ça tombe bien, moi non-plus ! s'exclama monsieur Bujold.

 Bouche bée, elle le dévisagea.

 — Pardon ?

 — Mais oui ! confirma Antoinette, volubile. Mon mari non-plus n'aime pas les tentes ! En même temps, c'est inconfortable. Pour camper, on est encore mieux dans un bungalow !

 Madame Corlier soupira. Elle n'était décidément pas sortie d'affaire... surtout si ces deux guignols maintenaient de tels dialogues de sourd !

 — Mais, maman ! Est-ce que tu es sûre que tu vas bien ?

 — Mais oui, Marlène ! Quel mal y-a-t-il à vouloir boire du café au petit-déjeuner ?

 — Mais tu n'en as jamais bu, maman ! Tu dis toujours que tu détestes ça !

 Cela faisait maintenant un quart d'heure que Marlène faisait un drame à sa mère, sous l'œil rond du reste de la maisonnée. La cause en était Bernadette, qui réclamait instamment du café, qu'elle aimait tant boire le matin. Problème : cela surprenait toute la famille, habituée au lait chocolaté de Colette. Et elle n'avait absolument jamais varié ses habitudes.

 Si Marlène n'avait rien contre le café, elle n'en était pas moins stupéfaite par le revirement de sa mère, pour qui les habitudes étaient sacrées. Cerise sur le gâteau, elle avait simplement rétorqué :

 — Les habitudes sont faites pour être cassées. 

 Marlène haussa les épaules, abasourdie, avant de reporter son attention sur ses enfants :

Attention, Mémé méchante !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant