Chapitre 11 : L'Après-midi

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 L'après-midi, vers quinze heures trente, la sonnette d'entrée retentit soudain. Firmin, qui lisait une revue scientifique, se leva :

 — Viens, Armand ! C'est Colette !

 — Ça, c'est à voir !

 — Oh, je t'en prie ! Ne fais pas cette tête ! 

 Ils ouvrirent la porte. Sur le perron se tenait « Colette », bien embarrassée par les marches – et surtout par son fauteuil roulant, qu'elle était obligée de garder pour conserver l'illusion. Le pire, songea-t-elle, était qu'elle ne savait même pas pourquoi madame Corlier l'utilisait...

 — Bonjour, Ber... heu, Colette, je veux dire ! ânonna Armand, aussitôt fusillé du regard par son frère.

 — Oui, bonjour Colette ! enchaîna Firmin, faisant comme si de rien n'était. Nous sommes très heureux que vous soyez là ! Mais, attendez, on va vous aider...

 Ils soulevèrent de leur mieux le fauteuil et le ramenèrent à la maison. Une fois sur le sol plat, ils la poussèrent dans le salon où ils s'installèrent. Bernadette leur tendit alors un panier :

 — Tenez, je vous ai apporté ça... c'est de la part de toute la famille !

 — Oh, mais écoutez, vous êtes trop aimable ! la remercia Firmin. Des oranges ! Et... heu ? C'est quoi, ça ? 

 Il soutira des profondeurs du sac une chose molle, enrobée dans des journaux. Bernadette toussota :

 — J'ai bien peur que Marlène ait finalement réussi à décoller ses crêpes, et que...

 — Oh ! Il... il ne fallait pas ! 

 Ses deux compagnons étaient bien de son avis. Comme un silence gênant s'installait, le vieux médecin décida d'aller chercher une bouteille de vin d'orange de sa fabrication. Laissés seuls, Bernadette et Armand se dévisagèrent silencieusement. Puis ce dernier chuchota :

 — Bernie ! Mais qu'est-ce qui te prend de jouer la comédie ? Pourquoi tu te fais passer pour Colette ? Tu es tombée sur la tête ou quoi ? Et qu'est-ce que tu fous en petite voiture ?

 — C'est pas tes oignons !

 — Mais si, ce sont mes oignons ! Je dirais même qu'après tout ce que nous avons vécu ensemble, ça me regarde de très près !

 — Oh, je t'en prie... c'est de l'histoire ancienne, tout ça !

 — Très bien. Si tu ne veux pas ressortir tout ça, c'est comme tu voudras. Mais alors, qu'est-ce que c'est que cette comédie ? Pourquoi diable as-tu pris la place de Colette ? Et comment tu as fait pour qu'on vous confonde ? La ressemblance est criante, mais quand-même ! 

 Elle pinça les lèvres et cracha :

 — J'en ai marre, de ma famille ! Elle est rasoir à un point que tu ne peux pas imaginer. Du coup... j'ai saisi l'occasion ! Et les Zavialov-Corlier sont beaucoup plus gentils, crois-moi ! 

 Armand en resta baba. Alors qu'il peinait à aligner deux pensées cohérentes, il chevrota :

 — Mais... Colette, elle est où ?

 — Ah, je vois que vous discutez ! s'exclama Firmin, qui revenait de la cuisine. Vous vous disiez quoi ? 

 Les deux se regardèrent, ne sachant que répondre. Puis Armand susurra d'une voix aussi sucrée que le vin :

 — Je lui demandais comment allaient les petits-enfants... Vladislav, Natasha et Leonty...

 — Ah, oui ! Ils sont très mignons. Du coup ? Qu'est-ce qu'ils font de beau ?

Attention, Mémé méchante !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant