Chapitre 27 : Règlement de compte

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 Armand, qui faisait de visibles efforts pour ne pas piquer du nez dans son café, essaya de mettre les choses au point :

 — Mais, c'était quand, la dernière fois que vous l'aviez vu, votre chère tata ? 

 Haussant les épaules, Ferdinand et son épouse échangèrent des regards incertains :

 — Bah... ça fait longtemps...

 — Heu, oui, enfin non...

 — Notez, que ce n'est pas parce que nous ne sommes pas allés la voir...

 — Que nous n'avons, hélas, pas pu nous délivrer pour la rencontrer aussi souvent que nous l'aurions souhaité...

 — Mais on l'adore ! 

 Le vieil instituteur dévisagea ses complices d'un œil incrédule. Il s'assura :

 — Mais au moins, vous le saviez, que Bernadette voulait se suicider ? 

 Visiblement, non. Les neveux écarquillèrent les yeux, ouvrirent la bouche et blêmirent :

 — Non... c'est pas vrai !

 — Si ! Montre-leur ton téléphone, Natasha ! 

 Elle s'exécuta. Les Bujold lurent puis, n'en croyant pas leurs yeux, se tournèrent vers leur tante. Ce fut Émile qui posa la question :

 — Bernadette, ma chérie... C'est vraiment vrai ? 

 Alors que tout le monde la regardait, certains incrédules, d'autres horrifiés, elle ânonna :

 — Eh bien, c'est-à-dire que...

 — Vous voyez ! s'écria Colette. Votre tante était malheureuse, et vous n'étiez même pas fichus de vous en rendre compte !

 — Oh oui, pauvre petite ! marmonna entre ses dents Vanternier.

 — Mais pourquoi vous ne nous l'aviez pas dit ? s'émut Antoinette, les larmes aux yeux. Vous auriez dû nous contacter ! Vous ne vous seriez pas retrouvés en prison ! Et Bernadette n'aurait pas été molestée par de dangereux brigands ! Pourquoi ne pas nous avoir appelés ? 

 Ce fut à cet instant précis que les choses dégénérèrent.

 Bernadette, qui commençait à se lasser que l'on parle d'elle comme si elle était absente, s'apprêtait à toussoter pour rappeler sa présence. Elle fut retenue par Armand qui, d'un clin d'œil malicieux, l'incita plutôt à observer la suite des événements. Légèrement dépassés, les Zavialov-Corlier contemplaient la scène, bouche bée. Émile, qui craignait la réaction de ses supérieurs lorsqu'ils connaîtraient toute l'histoire, peaufinait des arguments pour sa défense. Et enfin, Firmin, au bord des larmes, vociféra :

 — Pardon ? Mais nous vous avons appelés !

 — Voyons, monsieur ! s'étonna Antoinette, décontenancée par ses accents hystériques. Que vous ayez raison, peut-être ! Honnêtement, je n'en sais rien. Mais faut-il vraiment se mettre dans un état pareil pour si peu ?

 — Pour si peu ? s'étrangla Manon. Mais qui est-ce qui a dû se débrouiller pour trouver une solution, parce que môssieur et môdame avaient la flemme de décrocher le téléphone ? Qui est-ce qui est allé chercher votre parente, en pleine nuit, comme des voleurs, parce qu'elle était suicidaire et que vous n'étiez même pas fichus d'être au courant ? Qui est-ce qui s'est fait harponner par des dealers de drogue ? Qui est-ce qui s'est fait arrêter par la police ? Qui est-ce qui a passé toute la nuit au poste ? 

 Personne ne trouva rien à répliquer. Elle reprit avec rage :

 — Ensuite, si vous confiez la communication à cette ordure, vous ne serez certainement pas au bout de vos surprises ! 

Attention, Mémé méchante !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant