— Bonjour maman ! s'exclama chaleureusement Marlène. Tu es bien matinale, pour un samedi !
En effet, il était à peine sept heures quand Bernadette roula dans la salle à manger. Sa « fille » et son époux s'y activaient déjà.
— Je dois me préparer pour me rendre très tôt au boulot, c'est exceptionnel ! expliqua ce dernier, les yeux encore embrumés de sommeil.
— Si c'est pas malheureux, un samedi ! Chéri, c'est scandaleux de te faire travailler le week-end ! Tu devrais exiger une augmentation ! N'est-ce pas, maman ?
— Ça c'est bien vrai, grommela la vieille Bujold. La salle de bain a vraiment besoin d'un coup de neuf.
— Hein ?
— Heu, je veux dire, il ne faut pas vous laisser marcher sur les pieds ! Au prix auquel coûte la vie, aujourd'hui...
— Tu vois, Lavrenty ? Même maman est d'accord !
— J'y réfléchirai. Bonne journée ! »
Il embrassa son épouse, fit la bise à sa belle-mère et sortit. Il rata de quelques minutes sa fille, qui débarqua à son tour dans la salle à manger :
— Bonjour ma puce ! la salua sa mère. Déjà debout ! Mais qu'est-ce que c'est que cette famille ? Vous êtes tous tombés du lit, ma parole !
À l'instar de Bernadette, Natasha s'était réveillée de bonne heure en vue de la filature. C'était exceptionnel : elle avait l'habitude de faire la grasse matinée le week-end, d'où ses paupières lourdes de fatigue. N'ayant même pas la force d'acquiescer, elle s'attabla et tartina consciencieusement une tranche de pain.
Voyant que Marlène s'apprêtait à lui préparer du café, Bernadette l'arrêta brusquement :
— Non, non ! Pas de ça, merci !
— Ah bon ? Mais je croyais que tu aimais ça, maman !
— Heu... sois gentille, fais-moi plutôt une tasse de thé.
— Décidément, en ce moment, tu changes tout le temps !
Inquiète, Bernadette tourna la tête vers Natasha, qui venait de parler. Depuis la veille au soir, elle avait remarqué qu'elle s'épanchait beaucoup moins. Elle devait se douter de quelque chose...
Mais Marlène prit cette remarque pour une boutade anodine. Elle éclata de rire :
— Et sinon, ta sortie de dix heures à la boulangerie Chez Laurette ? C'est maintenu, ou ça change aussi ?
Son intérêt piqué au vif, Bernadette réfléchit à toute allure. Finalement, elle lâcha d'une voix songeuse :
— Non, non... j'irai... comme d'habitude. D'ailleurs, je file me préparer !
Elle s'éclipsa prestement avec une seule idée en tête : trouver l'adresse de cette boulangerie sur internet.
Natasha demeura immobile quelques secondes. Elle s'enfuit soudain, sous les yeux éberlués de sa mère :
— Je... je vais m'habiller, maman ! J'ai rendez-vous avec une amie !
⁂
Peu avant dix heures, trois babas-cool se dirigèrent vers une voiture. Heureusement que les rues étaient vides : ils auraient fait fureur.
Une demi-heure plus tôt, sur l'idée de Natasha – qui avait déboulé en panique chez son frère et lui –, Armand avait descendu des costumes et des perruques du grenier. Des souvenirs de jeunesse, notamment de la fois où ils étaient partis au Carnaval de Dunkerque, qu'il prit grand plaisir à manipuler :
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Attention, Mémé méchante !
HumorSa famille la délaisse ? Pas de soucis pour Bernie : elle prend l'identité d'une autre ! Mais une simple farce peut si facilement dégénérer... La vieille Bernadette Bujold s'ennuie : son mari est décédé, ses neveux la délaissent, le garde assig...