Chapitre 7 : Les Déboires de Manon

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 Le lendemain après-midi, madame Bujold lisait Le Fantôme de l'Opéra – qu'elle avait déniché, caché entre deux coussins du canapé. Alors que le bourdonnement d'une mouche l'arrachait de sa lecture, elle frissonna en se remémorant le goût de sa boisson matinale.

 Marlène – dont la bonté ne saurait être remise en question une minute – lui avait acheté du café. L'ennui ? Il était répugnant. C'était le seul mot à la hauteur de ses performances culinaires. Une véritable bouillasse maronnasse et insipide. Logique que Colette lui préfère le chocolat chaud. Le lendemain, elle essaierait le thé. Il ne devait pas y avoir de risque, il était en sachet.

 Soudain, une bourrasque ouvrit la porte-fenêtre. En levant les yeux au ciel, Bernadette pesta contre ces coups de vent qui ouvraient toujours tout et n'importe quoi dans cette maison mal fichue. Mais elle ne bougea pas pour autant. Avec un peu de chance, une bonne âme passant par là aurait la charité de refermer la vitre, lui épargnant le calvaire de se lever – non : de rouler !, et de la clore elle-même.

 Les minutes passèrent, mais non. Personne ne venait. En grommelant, elle s'activa, avança et calfeutra elle-même les battants.

 Ouf. Quelle épreuve. En soufflant, elle reprit sa place initiale. Mais à peine trente secondes plus tard, la porte se rouvrit, poussée par une Manon débordante d'énergie. Elle omit de refermer la vitre – au grand dépit de « sa mère » – et poussa un cri de joie :

 — Ah, maman ! Tu as retrouvé Le Fantôme de l'Opéra ! Je le cherchais partout !

 Elle lui arracha le livre des mains :

 — C'est un bouquin qui m'a été offert par... qui m'a été offert par... par... 

 Son visage se décomposa peu à peu, elle finit en fondant en larmes :

 — Par Émiiiiile ! 

 Elle l'ouvrit. Sur la première page était calligraphié : Deux cœurs qui s'aiment finissent toujours par se rencontrer. Ton amour de toujours Émile.

 — Quelle ordure, quand j'y pense ! renifla-t-elle, en essuyant maladroitement ses yeux. Me planter là, soi-disant parce qu'il voulait aimer en grand !

 Bernadette la dévisagea, hébétée.

 — C'est qui, cet Émile ?

 — C'est une ordure ! Un salopard ! Le patient zéro de la bêtise ! Un... mais, heu... à force que te... que je te répète, heu, ma petite... histoire... tu ne connais toujours pas, heu... mon... enfin, mon ancien... mon ex, quoi... ? 

 Prise en faute, madame Bujold improvisa :

 — Si, mais enfin, tu vois ! Quand on est triste, tout est permis ! Pour aller mieux, il faut parler, extérioriser ses douleurs ! Allez, défoule-toi sur ce phénomène !

 — Ah, ça, oui ! Pour un phénomène, c'est un phénomène ! Quel gugusse ! Un stupide vermisseau ! En y repensant, il me regardait comme un pot-au-feu ! Un soir, il a débarqué comme une fleur. Il m'a même pas demandé comment j'allais ! Et après... lorsqu'on s'est demandé ce qu'on allait dîner... il me sort qu'il m'aime pas ! Que j'ai pas assez d'ambition, dans la vie ! Pas comme lui, qu'il disait... lui, il me sort qu'il a besoin de vivre en grand, d'aimer en grand ! Pour ça, il s'était trouvé une nouvelle copine, Marcelle, qui répondait à ses attentes... faut croire qu'elle était suffisamment grande pour lui... le mec s'est un peu trop cru à Las Vegas ! acheva-t-elle en riant.

 Un ange passa. Soudain, elle sanglota de plus belle :

 — Je suis nulle !

 Bernadette soupira.

Attention, Mémé méchante !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant