Chapitre 18 : Fin de l'escapade

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 Au dîner, alors que les Zavialov-Corlier s'attablaient, Bernadette sentit soudain qu'il régnait une atmosphère inhabituelle. Ni rires, ni chahuts, ni reniflements ne troublaient le repas vespéral. Au contraire. Tous les convives se tenaient raides, un peu rouges, sans oser se regarder de face. À croire qu'il y avait un mort.

 Bernadette fronça les sourcils. Et s'ils avaient tous fait une intoxication aux pizzas de Marlène... ?

 Elle n'eut pas à se questionner plus longtemps : Lavrenty lui adressa la parole.

 — Colette, ma belle-maman... est-ce que vous vous sentez bien ?

 Elle entrouvrit légèrement la bouche, étonnée. Une telle question la surprenait. Oh, bien sûr ! Lavrenty était adorable et veillait toujours à la santé de sa « belle-maman ». Mais d'une manière aussi... malaisante ? Peu subtile ? Non. Il y avait un problème. En attendant d'en savoir plus, elle se borna à répliquer :

 — Très bien, très bien... merci bien.

 — En êtes-vous certaine ? Vous ne vous sentez pas un peu... différente, de d'habitude ?

 Elle crut qu'elle allait s'étouffer. Il savait. Ils savaient. Ils avaient découvert le pot aux roses. Ça allait barder pour elle... et pour Natasha.

 Elle la fusilla du regard. Mais pourquoi avait-elle tout rapporté ? Elle croyait pouvoir lui faire confiance, surtout après ses confidences ! Elle qui avait investi tant d'efforts, dans la comédie ! Elle avait téléphoné à sa copine pour qu'elle lui donne la teinture de sa mère... elle l'avait aidée à se colorer les cheveux... et elle l'avait trahie ? Elle peinait à y croire.

 Mais, après tout, peut-être se trompait-elle... peut-être parlaient-ils d'autre chose... dans le doute, elle nia :

 — Moi ? Non. Je me sens en pleine forme !

 — Eh bien moi, rugit Lavrenty, quittant soudain son flegme légendaire, je vous dis que vous êtes Bernadette Bujold ! Que vous n'êtes pas ma belle-mère !

 Zut.

 Eh bien, trop tard. Autant rendre les armes tout de suite. Elle ricana :

 — En effet. J'imagine que votre charmante fille vous a tout rapporté ! N'est-ce pas ?

 Tout le monde, stupéfait, se tourna vers Natasha. Elle rougit comme une tomate et secoua négativement la tête, penaude et indignée.

 — Qu'est-ce que c'est que cette histoire, Nana ? s'exclama Marlène, ahurie.

 — Hein ? Non, rien ! Vous parlez de quoi, au fait ?

 — Tu étais au courant ?

 — Heu... ce n'est pas impossible...

 — De toute façon, intervint son père, là n'est pas la question. Tout à l'heure, Manon a fait la lessive. Elle en a profité pour nettoyer votre manteau, madame Bujold. Dans vos poches, elle a trouvé ceci !

 Il brandit une carte d'identité où étaient inscrits les noms, prénoms et date de naissance de la vieille dame. Celle-ci leva les yeux au ciel : c'était tellement bête... dire qu'elle l'avait complètement oubliée ! Si elle avait su, elle ne l'aurait pas lâchée. Elle avoua, exténuée :

 — Oui, j'admets être une imposteuse – ou impostrice, je ne sais pas comment on dit. Je suis bien Bernadette Bujold, et non-pas votre parente Colette Corlier !

 Marlène et Vladislav laissèrent échapper un cri de surprise. Leonty, trop jeune pour comprendre, brailla de toutes ses forces pour l'unique plaisir du bruit, bientôt rejoint par Patounet. Levant les yeux au ciel, Lavrenty lança à la cantonade :

Attention, Mémé méchante !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant