Chapitre 23 : La Pinsonnière

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 Lundi 30 avril. Vingt-trois heures trente. Une camionnette jaune de la poste apparut à l'angle de la rue Lépine, contourna l'établissement La Pinsonnière et se positionna derrière.

 Pour sauver son ex-fiancée, c'était une véritable opération qui avait été montée par Armand. Parmi les participants comptaient lui-même, Natasha, Manon, Colette, mais aussi Firmin, qui ne cessait de répéter que tout cela allait mal finir.

 Pour justifier leur absence, Manon et sa mère avaient inventé un concert, auquel Natasha aurait été invitée par sa professeure de chant. Ses parents, dupes, leur avaient donné carte blanche pour la soirée. Elles en avaient ainsi profité pour réquisitionner la camionnette familiale, histoire de passer pour d'innocents facteurs. Pour conserver l'anonymat le plus total, Colette avait même tricoté des cagoules à chacun. La vieille dame s'était justement installée au volant, flanquée à ses côtés de Firmin. Quant au reste de l'expédition, il s'était entassé à l'arrière et coupait la parole au médecin dès qu'il ouvrait la bouche.

 L'objectif était simple : kidnapper Bernadette et rentrer avec elle. Pour ce faire, la vieille Bujold leur avait signalé l'existence d'une entrée clandestine de La Pinsonnière. Il s'agissait d'une simple porte au fond du parc, usée par le temps et la rouille, désormais oubliée. Presque un trou dans le mur, au point de ne même plus être surveillé.

 Colette se gara devant ladite ouverture. Elle consulta sa montre et se tourna vers ses complices :

 — OK, c'est l'heure ! Vous êtes prêts ?

 — On est bon !

 — Alors, allez-y ! Soyez prudents... et ne revenez pas trop tard ! 

 Ils sortirent. Natasha tira d'une poche son téléphone pour éclairer, rapidement imitée par ses complices. Ils se glissèrent dans le parc sombre et le traversèrent aussi vite que les vieilles jambes des retraités le leur permettaient.

 Arrivés aux abords du bâtiment, ils purent constater que des rangées de fenêtres s'alignaient, toutes rigoureusement identiques. La collégienne prévint Bernadette qu'ils étaient là. En réponse, l'appareil chuinta qu'elle les attendait dans la chambre six. Le petit groupe, qui s'apprêtait déjà à crier victoire, vit son euphorie s'évaporer aussi vite qu'elle était venue. Comment faire, pour la rejoindre... ?

 — Elle ne veut quand même pas qu'on aille là-dedans ! grommela Firmin.

 — Et si ! le détrompa son frère, qui lisait par-dessus l'épaule de Natasha. Elle veut qu'on entre... pas tout le monde, seulement deux personnes... et qu'on se fasse passer pour deux membres du personnel ! 

 Le silence régna sur le parc, uniquement troublé par le cri-cri des insectes nocturnes. Au bout d'un moment, après mûre réflexion, Manon lâcha :

 — À mon avis, les deux mieux placés pour ça sont Firmin et moi.

 — Quoi ? Moi ? hoqueta-t-il. Mais jamais de la vie ! Aller chercher Bernadette, c'est une chose... mais entrer là-dedans par effraction, c'en est une autre !

 — Moi, développait la jeune femme sans lui prêter attention, j'ai un âge plutôt cohérent pour ce genre de boulot. Nana est trop petite pour ça, on va se faire griller si jamais on rencontre quelqu'un. Quant à Firmin, il est médecin.

 — Il est où, le rapport ? bougonna l'intéressé, les bras croisés.

 — Si jamais on rencontre quelqu'un, tu inventeras une raison. Termes techniques, air savant, vocabulaire approprié... même si tu racontes des bobards sans queue ni tête, ça endormira sa méfiance !

Attention, Mémé méchante !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant