Chapitre 15 : L'Heure des aveux

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 Armand, Firmin et Natasha, toujours déguisés, déboulèrent dans le salon des Richard en poussant le fauteuil de Bernadette. Celle-ci clamait :

 — Je répète : je suis Colette Corlier ! La Bernadette dont vous parlez, je ne crois pas avoir le plaisir de la connaître ! 

 Un Firmin mort d'embarras, qui regrettait d'être parti dans cette aventure, toussota :

 — Hum... bon, je vous laisse... j'apporte le vin d'oran... heu, je veux dire, je vais faire de la tisane...

 — Je viens avec vous ! proposa Natasha, pressée de s'enfuir.

 — Non ! s'opposa le maître d'école, toujours aussi effrayant. Vous restez ici.

 — Mais écoute, Armand ! souffla son frère, exténué. Cette femme n'est pas Bernadette Van Sanen ! C'est bon, on s'est trompé ! Natasha avait tort, pour l'éclair au chocolat...

 — Pardon ? s'ébahit la vieille dame, ouvrant de grands yeux. C'est quoi, cette histoire d'éclair au chocolat ? 

 Ses trois interlocuteurs se figèrent. La mâchoire de l'ancien médecin se décrocha. Son grand-frère fit craquer ses phalanges. Et l'apprentie diva, d'une voix sucrée, susurra :

 — Pardon ? Mais vous êtes censée le savoir mieux que nous... Bernadette ! 

 Elle s'installa à califourchon sur une chaise. Par-dessus le dossier, elle fixa la vieille dame :

 — Qui êtes-vous ? Êtes-vous vraiment certaine que vous êtes ma grand-mère, Colette Corlier... et pas plutôt Bernadette Van Sanen ? 

 Celle-ci pinça silencieusement les lèvres. L'espace de trente secondes, ils crurent qu'elle allait tout nier d'un bloc. Puis soudain, la barrière se craquela. La vieille dame laissa fuser un long soupir, et s'affaissa sur son fauteuil en levant les yeux au ciel.

 Une minute passa. Le silence était monacal. Une abeille entra par la fenêtre ouverte ; elle ressortit aussi sec.

 Soudain, Firmin bondit comme une bête furieuse sur la vieille dame :

 — Salope ! Dévergondée ! Garce ! Vous avez abandonné mon frère ! Vous êtes fière de vous, j'espère ! Il vous ressasse depuis cinquante ans ! Cinquante ! Il ne vous a jamais oubliée ! Et vous, vous n'avez plus jamais donné signe de vie ! Vous avez un poix chiche à la place de la cervelle ? Ça vous arrive, parfois, de penser aux autres ? 

 Le vieil homme, d'ordinaire si flegmatique, la secouait comme un prunier. Natasha et Armand séparèrent les deux belligérants avant qu'ils ne s'étranglent. Puis le maître d'école, de sa voix dangereusement calme, l'interrogea.

 — Alors ? Où tu t'étais barrée ? Pourquoi ?

 — C'était il y a cinquante ans, Armand. Ne fais pas l'idiot. C'est fini, tout ça. 

 Une costaude, cette Bernadette. Elle s'était immédiatement ressaisit. Elle arrivait même à soutenir son regard. On ne pouvait pas en dire autant de Natasha : elle s'était pelotonnée derrière le dossier de sa chaise. Elle contemplait la scène, la bouche hermétiquement close, mais les yeux et les oreilles grandes ouvertes.

 — J'ai envie de savoir, rétorqua Armand. Et je pense en avoir le droit.

 — Allez ! cracha Firmin. Vide ton sac ! Et plus vite que ça !

 — Très bien. De toute façon, j'avais besoin de me confier. 

 Natasha fronça les sourcils. Comment ça, se confier ? Cette Bernadette Van Sanen était malheureuse ?

Attention, Mémé méchante !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant