Chapitre 5 : Les Zavialov

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 De son côté, prendre une douche n'était pas aussi simple pour Bernadette. Pour commencer, une jeune femme aux yeux rouges débarqua en coup de vent dans sa chambre :

 — Maman, je te mets Robertine... elle... elle va te tenir compagnie...

 Elle plaça un cactus à l'air fatigué sur la commode. Bernadette essaya de l'arrêter :

 — Hep, attends ! Je...

 — Et après, tu peux allez te laver. La douche est li-i-ibre ! sanglota-t-elle franchement.

 Elle déguerpit dans le couloir avant même que sa « mère », ahurie, ne puisse lui parler. Hésitante, madame Bujold se leva, fouilla dans un placard, prit un pyjama, un peignoir, et se rappela juste à temps que la Colette de ces lieux se déplaçait en fauteuil. Elle se jucha donc dessus, sortit de sa chambre... Et resta plantée là. Bon, elle était où, la douche ?

 Par chance, passèrent à ce moment un homme et une femme qui discutaient ensemble. L'homme, grand, blond et statique, semblait tiré à quatre épingles. C'était totalement l'inverse de sa compagne, une rousse couverte de tâches de rousseur. Ses cheveux étaient en pétard et elle ne cessait de gesticuler.

 — Marlène, j'ai nettoyé le vomi de Patounet !

 — Le vomi de... ah, oui ! C'est vrai, Lavrenty ! Natasha pense qu'il a bouffé la pâtée des poules, et qu'il a tout dégueulé...

 — Probablement. N'empêche ! On lui remplit sa gamelle avec de la bonne pâtée premium, et il va manger les restes de Popote, Dorothée et Marie-Madeleine ? Mais qu'est-ce qu'il peut bien lui passer par la tête ? Surtout qu'après, il sait très bien qu'il vomi tout ! Ce n'est pas la première fois qu'il fait ça...

 — Moi, je ne le comprends pas...

 — À mon avis, il n'a pas inventé le fil à couper le beurre, Patounet...

 Bernadette décida d'interrompre la passionnante discussion sur l'éventuel QI du chien. Mais au moment où elle ouvrait la bouche, elle sentit tout son courage l'abandonner. Que devait-elle dire, déjà ? Fallait-il commencer par s'excuser ? Mais s'excuser de quoi ? Après tout, c'était aussi Émile et ces Zavialov, les responsables ! Ce n'était pas de sa faute si ces incapables les avaient échangées ! Mais comment s'expliquer diplomatiquement ?

 Pour gagner du temps, elle ânonna :

 — Heu... La salle de bain ? 

 Comme ils la dévisageaient, ahuris, elle ajouta timidement :

 — J'ai complètement oublié où elle se trouvait...

 Ses deux auditeurs échangèrent un regard abasourdi. Puis la femme – Marlène – prit son fauteuil :

 — Je te conduis... Regarde, c'est juste là, maman...

 La salle de bain était à l'image de sa chambre : gonflée de moisissures, pleines de toiles d'araignées, en pagaille... Marlène repartit aussitôt en fermant la porte. Bernadette fit prudemment le tour de la pièce. Bon, il y avait tout ce qu'il fallait pour se laver. Et si elle voulait jouer la comédie jusqu'au bout, il y avait même le mobilier nécessaire à son handicap fictif. Il était sûrement prévu, à l'origine, pour Colette...

 Soudain, elle sursauta : une bourrasque venait d'ouvrir la fenêtre. Elle tenta de la refermer, en vain : les battants refusaient obstinément de rester en place. Fatiguant. Tant pis, elle se laverait avec la fenêtre ouverte. De toute façon, elle était haute et ne donnait même pas sur la rue.

 Elle roula donc vers la douche et ouvrit l'eau, sauf qu'une autre mauvaise surprise l'attendait : elle était glaciale. Vu le reste de la maison, ce n'était guère étonnant. La vieille dame décida d'attendre un peu, le temps que l'eau se réchauffe. Elle patienta une minute, deux minutes, trois minutes... à côté du jet d'eau qui ne cessait de couler. Ayant patienté assez – trop – de temps, elle mit sa main dessous ; zut, c'était toujours aussi froid !

Attention, Mémé méchante !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant