Chapitre 24 : Le Début de la fin

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 Les deux complices coururent rejoindre Bernadette, qui trépignait dans sa chambre :

 — Enfin ! Vous voilà ! Ça fait vingt minutes que je vous attends ! Où vous étiez-vous perdus ?

 — Surtout, ne nous remerciez pas ! ronchonna Firmin, guère d'humeur pour des reproches. Bon, où sont les petites affaires, le pyjama, la brosse à dent ? 

 Elle avait rassemblé tout cela dans un cabas, plus discret qu'une valise. Ils retournèrent dans le couloir, puis dans la chambre neuf/six où les attendait Saint-Pierre. Firmin et Manon l'aidèrent à regagner son lit, où il les remercia :

 — C'était chic d'votre part, les d'jeuns !

 — Oui, mais vous vouliez nous donner quoi ? C'est pas que nous voulons être malpoli ou vous brusquer, hein, mais on est un peu pressé...

 — Ah, oui ! C'est vrai, je vous avais promis un petit quelque chose... eh bien, savez-vous pourquoi on me surnomme Saint-Pierre ?

 — Non, mais dites toujours. 

 Il les gratifia d'un petit clin d'œil fripon :

 — Quand ch'uis arrivé ici, y a une vingtaine d'années, La Terreur – heu, l'infirmière en chef, je veux dire – avait oublié son trousseau de clefs sur ma table de nuit. Du coup, j'l'ai empoché et tout le monde m'appelle Saint-Pierre, pas'que j'ai les clefs ! D'ailleurs, avec les potes, on fait souvent le mur pour acheter du tabac. Z'êtes entrés par le trou au fond du parc, pas vrai ? C'est moi qu'ai donné le truc à Bernadette ! D'ailleurs, j'l'avais ouvert spécialement pour vous, pour l'occasion. C'est elle qu'm'avait demandé.

 — Ah bon ? C'était vous ?

 — Ouaip. Maintenant, 'savez quoi ? Prenez ces clefs, la grosse en bronze ouvre l'entrée de service. Bernie sait où elle est. N'oubliez pas de refermer la porte ! Ensuite, traversez le parc, z'arriverez au trou dans le mur. Mais lui, le refermez pas. Laissez les clefs dans le creux du figuier, celui à côté du buisson de framboise. Je les récupérerai demain et fermerai moi-même le trou ! 

 Manon, qui aurait volontiers adopté le vieil homme comme grand-père, l'étreignit :

 — Merci, Saint-Pierre !

 — De rien ! Je serai muet comme une carpe. Allez, bonne chance les d'jeuns ! J'espère que Bernadette trouvera son bonheur, avec son Arnold ! Hein, Bernadette ? Tu m'enverras un message, de temps en temps ? 

 Elle répondit par l'affirmative. Les trois s'éclipsèrent selon ses directives. Ils atteignirent le fameux figuier et son ami le framboisier, où leurs deux autres partenaires se gavaient de fruits. Aussitôt ce fut la joie, l'euphorie, le soulagement et la folie. Natasha et Armand, et aussi Manon et Firmin – qui avaient un peu raté leurs retrouvailles – entourèrent la vieille dame, la serrèrent dans leurs bras :

 « Bernie ! Comment tu vas ?

 — Bon sang, qu'est-ce que tu nous as fait peur...

 — Vilaine friponne ! Tu voulais qu'on meure de peur ou quoi ?

 — Par pitié ! Ne nous refais plus jamais, jamais un coup pareil ! 

 La vague d'affection se régula, se calma et enfin se tarit. Ils s'écartèrent un peu, et Firmin, qui ne cessait de se ronger les ongles, s'activa :

 — On file ! On est là depuis déjà trop de temps. Hors de question de rester ici plus longtemps que nécessaire ! 

 Lundi 30 avril. Vingt-trois heures trente. Une camionnette de la poste apparut à l'angle de la rue Lépine, contourna l'Ehpad « La Pinsonnière » et se positionna derrière.

Attention, Mémé méchante !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant