Chapitre 9 : Conseils de famille

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 Dans le salon des Zavialov, c'était conseil de famille. Les seuls dispensés étaient Leonty, jugé trop petit, « Colette », occupée dehors avec le voisin, et Vladislav, fort affairé avec Pauline – à moins qu'il ne s'agisse plutôt de... bref. En résumé, Lavrenty, Marlène, Manon et Natasha débattaient sur ce sujet compliqué, angoissant et délicat qu'était mamie.

 — Maman m'inquiète ! bredouillait Marlène, ses grands yeux mordorés écarquillés par l'anxiété. Il y a plein de petits détails qui changent, chez elle... c'est effrayant, elle n'a jamais été comme ça ! En fait, heu... depuis quelques temps, comment dire... c'est à croire que maman n'est plus maman ! 

 Sa petite sœur explosa :

 — Oh, non ! Pitié, qu'elle n'ait pas l'Alzheimer ! C'est trop cruel ! Après Émile, mamounette...

 — Du calme, Manon, lui intima son beau-frère, flegmatique comme à l'accoutumée. On n'a jamais dit qu'elle avait l'Alzheimer. C'est peut-être... je ne sais pas... un peu de fatigue... de la vieillesse...

 — Pour comprendre ce qu'il lui arrive, il faut savoir quand elle a changé ! annonça Natasha, qui jusque-là réfléchissait.

 — C'est pas bête !

 — Moi, je dis que c'est depuis qu'elle veut du café au petit-déjeuner ! déclara Marlène.

 Son époux fronça les sourcils.

 — C'est vrai que c'est un bon début... mais je pencherais plutôt pour la veille. Tu te souviens, chérie ? Colette avait oublié où était la salle de bain.

 — Mais c'est vrai, ça ! Sinon, c'était peut-être lorsque vous êtes revenues, avec Patounet, de la promenade au Parc des Oliviers... elle avait un vilain coup de soleil sur la tête ! Peut-être qu'elle a eu une insolation... si ça se trouve, ça lui a tapé sur le système ! Au fond, peut-être que ce ne serait pas mal, qu'un médecin vérifie qu'elle aille bien...

 — Il faut la faire examiner par un toubib ! exigea sa sœur.

 — Il faudra se lever de bonne heure ! ricana Lavrenty. Ici, c'est un vrai désert médical. Les médecins qui restent, ils sont un peu nuls...

 — Il y a bien Gobeil !

 — Tu parles ! Il est nul. On ne peut pas lui faire confiance. Si on le laisse l'examiner, il lui inventera une tumeur et croira qu'elle va crever d'ici trois jours ! 

 La bonne grosse bouille ronde de Manon – la même que celle de Leonty – se décomposa aussitôt.

 — Mais... Et si elle avait vraiment une tumeur ? Il faudrait absolument faire quelque chose ! Je ne veux pas que maman meure ! pleurnicha-t-elle.

 Ses interlocuteurs s'appliquèrent à la rassurer (« Mais non, Manouche ! Maman ne va pas mourir ! »). Mais son anxiété était contagieuse. Tous avaient remarqué l'attitude étrange de « Colette ». Mais personne ne savait ce que cela signifiait...

 Natasha, dans l'espoir de calmer sa tante, partit chercher un verre d'eau dans la cuisine. Elle s'engageait dans le couloir, quand elle entendit « sa grand-mère » revenir du jardin. Elle se rua dans le salon :

 — Mamie revient ! Taisez-vous !

 Parents et tante se levèrent aussitôt, affectant d'être affairés à leurs tâches quotidiennes. Bernadette débarqua sur ces entrefaites, l'air lugubre. Personne n'osait la regarder.

 — Comment ça va, ici ! aboya-t-elle.

 — Heu... bien, maman...

 — Pourquoi Manon est encore dans un état pareil ? 

Attention, Mémé méchante !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant