Bernadette sortit soudain du véhicule. Sous le regard stupéfait de Natasha et de son père, elle marcha droit vers Émile, hébété, qui s'écartait timidement d'une Manon furax. Mais son répit n'allait pas être long : à la vue de sa cliente, son anxiété masquée sous un large sourire, il roucoula :
— Heu... Bonjour, Bernadette, ma chérie ! Bienvenue... ? Heu... vous n'avez plus besoin de votre chaise roulante... ? En tout cas, vous semblez être en pleine forme !
En guise de réponse, elle lui flanqua une claque monumentale.
— Monsieur Vanternier ? Vous me décevez beaucoup. Déjà, votre garderie est sincèrement nulle. Ensuite, votre comportement avec Manon est lamentable et pathétique. Mais au moins, en la quittant, vous lui avez rendu un grand service !
— Mais ! Je n'ai pas...
— Chut ! Je ne veux pas savoir. Maintenant, au lieu de rester planter là, si vous pouviez dire à mes neveux que je veux les voir, tout de suite, et plus vite que ça... et tant qu'à faire, ramenez la dame qui est hébergée ici à ma place !
— Je...
— Vous m'avez comprise ?
— Heu, oui... mais, heu... en fait... monsieur et madame Bujold ne sont pas là !
— Ah oui ? Et comment me l'expliquez-vous ?
Le jeune homme garda le silence. « Bonne question ! » songeait-il en son for intérieur.
La vérité ? Ses patrons étaient là. Mais ils n'étaient au courant ni du coup de fil, ni de l'échange des vieilles dames, ni de tout ce qui en découlait. Et tant qu'à faire, s'ils pouvaient ne pas remarquer la visite des Zavialov, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Aussi, il essaya de les chasser :
— Ils sont partis rendre visite à des clients. Ils ne reviendront que très tard !
— Vraiment ? Très bien, nous les attendrons. Nous ne sommes pas pressés ! Et en attendant, ramenez-nous la dame qui est ici, à ma place, depuis maintenant une semaine. Je suis certaine que notre visite lui fera très plaisir !
— Madame Bernadette Corlier, déglutit-il, enfin... Colette Bujold, veux-je dire... Hum, la madame, elle n'est pas là. Elle est sortie se promener !
— Dites-donc ! Vous vous relâchez, ou c'est une favorisée ? Vous ne m'auriez jamais laissée faire !
Soudain, une clameur hystérique retentit depuis le manoir. Tous se tournèrent vers la source du bruit. Vanternier blêmit : celle qui venait de se manifester de la sorte n'était autre qu'Antoinette Bujold, accompagnée de son mari :
— Regarde, chéri ! Le facteur est venu m'apporter le colis que j'avais commandé !
— C'est quoi, encore ?
— Un lot de napperons a-do-ra-ble !
Les Zavialov mirent quelques instants à comprendre que c'était d'eux que l'on parlait. Lavrenty toussota, contemplant son véhicule d'un œil dépité.
Certes. C'était une camionnette postale. Ils l'avaient rachetée alors qu'il venait d'obtenir son emploi, que Marlène était enceinte de Vlady et qu'ils rencontraient quelques soucis pécuniaires. Ils l'avaient depuis gardée. À quoi bon changer d'automobile ? L'actuelle était parfaite !... ou presque, en omettant un rétroviseur rafistolé avec du scotch, des impacts dans le pare-brise, et... bref. Mais en attendant... ils n'étaient quand-même pas habillés comme des facteurs !
Bah, tant pis, décida-t-il. C'était sans importance ! Il secoua la tête, puis salua les propriétaires du domaine :
— Bonjour, monsieur et madame Bujold ! Ravi de vous rencontrer...
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Attention, Mémé méchante !
HumorSa famille la délaisse ? Pas de soucis pour Bernie : elle prend l'identité d'une autre ! Mais une simple farce peut si facilement dégénérer... La vieille Bernadette Bujold s'ennuie : son mari est décédé, ses neveux la délaissent, le garde assig...