Les yeux grands ouverts, Firmin était allongé en position fœtale sur le banc de sa cellule, incapable de dormir. Mais il n'avait pas non-plus essayé : il était si angoissé que, pour lui, l'idée-même était une ineptie.
— Eh, Fifi ! Ça va ? s'enquit son grand-frère, inquiété par son état végétatif.
Lui était sagement assis dans une cellule non-loin, enveloppé dans son manteau. À l'inverse, dans la prison contiguë, Manon était incapable de rester tranquille. Elle ne cessait de faire les cents pas, de s'arrêter subitement, le front barré d'une ride soucieuse, avant de recommencer.
Certes, les policiers n'avaient pas usé de violence. Personne n'avait été brutal. Les forces de l'ordre s'étaient simplement montrées fermes. Il n'en restait pas moins que, pour eux, la situation était aberrante. Lorsqu'ils organisaient leur expédition, absolument personne n'avait imaginé une telle éventualité. Eux-mêmes peinaient toujours à réaliser la catastrophe dans laquelle ils s'étaient plongés.
Pour Colette, il semblait même qu'elle en était totalement inconsciente : elle avait simplement défait sa cagoule pour tricoter la laine avec ses doigts. Elle avait fait passer le mot à ses compagnons d'infortune pour glaner leurs bonnets – elle avait craint d'être en manque, la nuit avait promis d'être longue.
Un peu plus loin, sa petite-fille dormait carrément, couvée du regard par Bernadette. Cette dernière, au moins, avait le bon goût de manifester son anxiété d'unr manière plutôt classique : elle se rongeait les ongles, regardait de droite à gauche... et toutes les cinq minutes, elle répétait :
— Je suis désolée ! Si nous sommes ici, c'est de ma faute !
Soudain, un agent entra. Le policier de garde vint à sa rencontre :
— Salut Patrick ! Alors ? Quoi de neuf ?
— Où sont Bernadette Bujold, Colette Corlier, Manon Corlier, Armand Richard, Firmin Richard et Natasha Zavialov ?
À l'entente de leur nom, tous réagirent – à l'exception de la collégienne, endormie, et de Firmin, apathique. Le nouveau-venu annonça :
— Suite à l'enquête et au vu de nombreux éclaircissements, le procureur a déclaré que si madame Bernadette était... consentante, à ce que vous « l'enleviez »...
— Et comment, qu'elle était consentante ! s'enflamma Armand. Elle nous a dit que si elle restait plus longtemps dans cette Pinsonnière de malheur, elle allait se jeter par la fenêtre !
— Certes. Nous disions donc que vous avez été innocentés. Vous êtes libres de sortir. D'ailleurs, monsieur et madame Zavialov, ainsi que leurs fils, vous attendent...
L'apprenant, Manon en laissa choir sa mâchoire.
— Oh, mince ! Je les avais complètement oubliés ! Marlène va me massacrer et après, Lavrenty va m'empailler ! J'étais censée surveiller Nana et maman ! Je leur avais dit que je les amenais à un concert ! Qu'est-ce qu'ils vont croire s'ils nous retrouvent au poste ?
Les cellules ouvertes, elle courut secouer sa nièce. De leur côté, Armand et Colette essayaient de tirer Firmin de son apathie. Il fallut leurs efforts conjugués à ceux des policiers pour qu'il se lève et les suive.
On les conduisit dans la salle d'attente du commissariat. Grâce à l'horloge du couloir, ils apprirent qu'il était six heures et demie du matin. Une fois arrivés, ils constatèrent que les Zavialov au grand complet les attendaient. Tous avaient fait le déplacement. Même Leonty qui se pendait au pantalon de sa mère, ainsi que Vladyslav qui, – fait exceptionnel ! avait délaissé Enid. À moins qu'il ne s'agisse de Marie-Pierre, ou de Chantal, ou...
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Attention, Mémé méchante !
HumorSa famille la délaisse ? Pas de soucis pour Bernie : elle prend l'identité d'une autre ! Mais une simple farce peut si facilement dégénérer... La vieille Bernadette Bujold s'ennuie : son mari est décédé, ses neveux la délaissent, le garde assig...