2- Rencontre et miracle

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Le personnel hospitalier me regarde de travers. Je suis la gamine indigne, qui a pondu un gosse, la nunuche bien trop jeune qui refuse de s'en occuper. Je fais tâche, au milieu des autres mamans épanouies avec leur maris amoureux. Rien à foutre !

Je souffre horriblement, l'idée que mon corps soit déjà souillé et abimé à cause de cet enfant, me répugne. La césarienne me fait un mal de chien, et ça me donne envie de gerber tout ce dont il me parle.

Je suis majeure depuis le treize février, je n'ai pas de diplôme et mes patrons m'ont surement viré. Je n'ai même pas été foutu de passer mon CAP coiffure.

La seule bonne nouvelle, que j'apprends depuis ma chambre d'hôpital, c'est que la mère Perrier divorce et vend sa boutique.

Ils sont en train de chercher que faire du bébé, tandis que je me remets de ma césarienne. Les médecins et les assistantes sociales ne veulent pas me laisser rentrer toute seule dans mon appartement. Margot, l'assistante sociale qui s'occupe de moi habituellement, l'a libéré sans me demander mon avis et je dois retourner en foyer d'accueil. Je suis parait-il trop fragile pour rester toute seule.

Aujourd'hui deux infirmières sont venues pour me faire marcher un peu et ils ont enfin daigné m'enlever la perfusion. J'ai le tournis et les jambes qui tremblent. Je rêve de partir et de retourner dans l'eau, dire que je devrais être en train de faire du kitesurf. J'étais en pleine forme avant ce sale Alien qui m'a détruit.

Sara, l'infirmière qui s'occupe de moi, est une grosse femme a l'air maussade. Elle est indolente et traine des pieds, mais c'est la première à s'occuper vraiment de moi. Je n'ai parlé qu'aux assistantes sociales depuis que je suis là.

Elle m'interroge sur ma passion et m'écoute quand je lui parle de mes sauts, de duck tack, de mes meilleures techniques pour bouger mon aile et de tous mes rêves.

Elle me propose de m'emmener faire une balade pour prendre l'air.

─ Tu n'en es pas à remonter sur ta planche, mais viens prendre un peu de vitamine D.

Alors que nous passons devant la pouponnière, je suis happé par le mouvement des bras, des petits pieds qui s'agitent dans les berceaux transparents.

Là-dedans il y a celui que j'ai fait.

Sara continue de discuter en avançant.

─ Il fait bon dehors, ça va te faire du bien de te dorer la pilule quelques minutes, je te laisserai sur un banc et je viendrais te chercher après avoir fait les soins dans le couloir, ça ira ? Tiens j'ai une casquette pour toi, par ce que le soleil chauffe aujourd'hui et tu es blanche comme un cachet d'aspirine. Il ne serait pas question que tu prennes un coup de soleil.

J'ai à peine écouté ce qu'elle dit, je me suis arrêté et je regarde les bébés, fascinés par le petit ballet.

─ C'est le petit, tout sage, au fond à droite, me fait Sara qui s'est arrêté à côté de moi.

Voyant que je suis intéressée, elle tape le code de la nurserie et me fait signe de la suivre.

Malgré mon refus de le voir depuis plusieurs jours, je la suis intriguée, pour m'approcher d'un bébé minuscule, enfoui sous une couverture rose, qui ne bouge pas. C'est le seul à ne pas bouger. Celui qui est censé être le mien est une minuscule crevette.

─ Pourquoi une couverture rose ?

─ On ne s'occupe pas du sexe.

─ Il a un visage de poupée. Vous êtes sûr que c'est un garçon ?

─ Oui un beau petit gars, tout mignon et sage comme une image. Comme tu ne voulais pas lui donner de prénom, on a choisi dans l'équipe et on l'a appelé Martial.

Sara lui caresse la joue et le bébé semble apprécier la petite caresse il se trémousse tout doucement.

Sort doucement une petite main de sous la couverture et écarte des doigts minuscules.

Je sens les larmes de honte qui coule sur mes joues.

Je pleure et le bébé ouvre les yeux immenses, comme s'il avait senti ma présence. J'ai l'impression qu'il me fait un sourire sans me juger. Je réalise d'un coup que je lui fais subir ce que ma propre mère m'a fait.

─ Lise allons marcher un peu ! Sara m'attrape par le bras.

─ On peut l'emmener ? il a besoin de prendre l'air non ?

─ Oui on va faire rouler son berceau, je vais lui mettre un petit bonnet et une grosse couette.

Ce jour-là j'ai décidé de garder mon merveilleux bonhomme. Mon petitpoisson d'avril.

Lise et Carla [GL]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant