22- Discussion au téléphone

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Martial me tend le combiné pour que je parle à la lourdingue qui encombre mon palier et s'occupe mal de son gosse.

─ Bonjour Madame, fait une voix douce au téléphone.

─ Bonjour, je grommèle peu désireuse de lui parler.

─ Vous êtes notre nouvelle voisine ?

─ Oui je viens de m'installer et j'ai fait connaissance avec Martial, qui trainait dans votre bazar devant votre porte. Comme il est petit je l'ai invité chez moi, si vous voulez, je peux le confier à quelqu'un d'autre ! Après tout, vous ne me connaissez pas.

─ Non pas de souci ...je n'ai personne d'autres. Humm ...Je suis désolé je ne termine qu'à vingt heures ce soir ?

─ Pas de souci, je le garde.

─ Je vous confierai une clé de chez nous et vous pourrez me donner la vôtre... par sécurité. tente la nana.

─ On verra. A ce propos, puisque je vous en ai au téléphone, j'aimerai vraiment que vous vidiez le palier.

La mère a un temps d'arrêt. Je le lui ai déjà dit deux fois. Elle doit avoir compris le message.

─ Je vais essayer de m'en occuper ce weekend, murmure t'elle.

─ Oui s'il vous plait.

Et je raccroche d'avec la connasse. Seulement je n'avais pas prévu Martial qui me regarde des grands yeux lumineux.

─ On n'a pas de place chez nous pour les affaires dehors, cela te gêne vraiment, toi ?

Ben voyons je vais négocier avec un gosse de quatre ans.

─ Si moi je mets mes affaires aussi, on fait comment ?

Il regarde autour de lui : « mais toi tu as de la place. »

─ Il y a quoi chez toi ?

─ Dans le salon maman a une table et des chaises et un meuble que Miranda ma tata nous a donné. Dans la cuisine on a plus de choses que toi.

─ Je viens de m'installer ! je rétorque sur la défensive, il a de la répartie le baby chou.

─ Dans l'entrée il y a mes jouets et maman a deux planches.

─ Pourquoi il y en a une autre ici ?

─ Celle-là a une valeur ...senma..sentimentale, elle n'a pas envie de la jeter. Il a du réfléchir pour dire le mot « sentimentale » mais il s'est corrigé tout seul. Il est vraiment trop chou.

─ Elle est surfeuse ta maman ?

─ Non elle est coiffeuse, mais elle voulait faire les championnats du monde de kite, sauf qu'elle m'a eu et n'a pas pu y aller !

A d'accord une mère culpabilisatrice. La mienne était pareille. Elle allait faire un concours de beauté mais elle m'a eu moi, manque de bol. C'est ce qu'elle m'a seriné toute mon enfance. Personnellement, je l'ai toujours trouvé moche et je suis persuadée d'être arrivée à point nommé pour lui éviter l'humiliation. Cela je ne le lui ai jamais dit, bien sur, car elle m'aurait claquée.

Je pense qu'on a assez discuté alors je retourne à mon bricolage tandis que Martial lit.

Une heure plus tard il n'a pas bougé.

─ Tu ne t'ennuies pas trop.

─ Non j'aime bien lire, maman ne veut pas.

─ Quoi ?

─ Maman trouve que je lis trop ! Cela l'ennui. Elle n'est pas contente que je saute des classes.

Putain la mère débile ! Je jure in petto excédée par ses conneries.

Bon je comprends mieux en tout cas, j'avais raison ! à quatre ans il aurait du être en maternelle ! Je ne suis pas si nulle que ca. Je me félicite dans ma tête.

Comme il est presque dix-huit heures trente j'arrête mon bricolage sinon les voisins vont me tuer et je travaille les croquis pour ma vitrine tout en préparant mon repas.

─ Tu dessines ?

Martial s'approche intéressé et peu après, il prend mon crayon et me corrige un trait en perspective.

─ Mais tu as fait quoi ! Tu n'as que quatre ans !

─ Je pense que c'est mieux comme ça ! rétorque le petit rase-moquette d'un air sévère.

Je regarde mon dessin qu'il a amélioré. 

─ Maman n'aime pas que je dessine.

Je lui tends un bloc et un crayon et lui donne les dimensions de la boutique.

─ Dessine-moi la boutique idéale. Je vais nous mijoter un bon petit plat pendant ce temps.

Il est content et s'applique. Mais quel gamin incroyable. Si j'ai un enfant un jour, ce qui me semble improbable, je veux le même !

Il est déjà vingt heures et Martial pique du nez dans mon canapé.

Elle le laisse tout seul chez eux bien trop longtemps, je me demande si je dois la dénoncer.

Lise et Carla [GL]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant