Chapitre 66 - Flou

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La serre est l'endroit où je suis allée de manière presque naturelle en sortant de la salle de musique. Je ne sais plus exactement ce que je ressens vis-à-vis de Bôkyaku, mais je sais que la serre est un endroit qui est toujours agréable. En particulier quand je commence à entendre les notes acoustiques qui s'échappent de la porte à moitié ouverte.

Je souris et entre, inutile de toquer ici, heureusement. Yoshio me lance un gentil "hey" alors que je vais m'asseoir en face de lui. Il y a une tasse fumante à côté de lui, Jin devait être avec lui jusqu'à récemment. J'écoute en silence, profitant de la différence entre la musique classique européenne que j'écoutais avec Bôkyaku et les sonorités plus métal de Yoshio et sa guitare.

Les cordes cessent de vibrer et nous commençons à parler, de tout et de rien. Je lui mentionne mes inquiétudes sur l'état psychologique de Bôkyaku et il m'écoute, sans me juger, sans le juger. Il m'apporte des idées, des réflexions. Nous parlons de Taiwa-san et de sa peinture, que malgré tout, il a l'air d'aller mieux. Pourtant je ne peux pas m'empêcher de me demander ce qu'il serait arrivé si Yamada-san ou Suzaku-san étaient toujours parmis nous. Nous parlons de Nadeshiko-san, de sa joie de vivre contagieuse, et de la capacité de Kami-san de "disparaître".

Nous parlons de la température plus élevée des derniers jours. Yoshio se plaint qu'il n'est pas né pour survivre dans le chaud, habitant d'Hokkaido qu'il est. Il me donne un peu de son thé et je baille un peu.

«J'crois pas t'avoir demandé Atsu, mais, dis moi, si t'avais pas été l'ultime policière, tu aurais fais quoi ?

- ... Je l'ignore. J'aurai sans aucun doute postulé dans les forces de l'ordre dès que j'en aurai eu la capacité, comme mon père. Pourquoi cette question ?

- Je me dis juste que tu ressemble pas vraiment à la flic classique, t'sais ? T'aime le métal, les bouquins à l'eau de rose, tu causes avec un criminel reconnu... Ça fait pas vraiment "police", tsais ?

- Je crois voir ce que tu veux dire. Je suppose que tu serais tout de même devenu musicien ?

- Ouais, sans doute ! J'en aurai peut-être pas fait mon plan de vie, mais je me vois mal sans une guitare dans les mains.

- Et une fois dehors, tu comptes continuer ?

- Si j'm'en sors, absolument.

- Ne dis pas ça...

- Nan, mais je suis juste comme ça, plus le temps passe et plus j'ai de chances de crever, c'est comme ça.» il hausse les épaules, comme s'il disait qu'il fait beau aujourd'hui. «J'ai pas envie que ça arrive, mais... C'est un risque.

- ... Je n'ai pas envie d'y penser.

- Désolé. Quand on s'en sortira, tu penses faire quoi, toi ? Retourner dans la police ?

- Je...» j'allais dire "oui", mais une pensée vient s'incruster à l'arrière de mon crâne. Pourquoi. Pourquoi je voudrais retourner dans les forces de l'ordre ? Je... Ne m'y suis jamais sentie à ma place, même avec mon ultime, alors pourquoi ? «Je... Pense. Peut-être.

- ... Hey, t'as le temps d'y penser meuf.» il pose sa main sur ma casquette et fait comme s'il caressait la tête d'un chat, ce qui m'arrache un petit rire «C'est jamais simple de savoir quoi faire de sa vie.

- J'imagine...» ce que je veux faire de ma vie... «... Mais est-ce que ça veut dire que c'est normal que tout soit... "Flou" ?

- Peut-être ? Je sais pas trop, je dirais que c'est différent pour tout le monde, tsais.» il soupire et se penche un peu en arrière, regard levé vers le plafond de la serre «Moi c'est clair dans ma tête mon futur. Ce que je veux faire. Mais je suis peut-être juste un sacré chanceux. Quelqu'un qui s'en sort mieux que les autres. Toi t'as le temps d'apprendre, de voir ce que tu veux pour toi au final.» il sourit et se tourne vers moi, et d'une certaine manière, son visage déjà mignon est encore plus beau ainsi. «T'as le temps d'être toi, alors profite.

- Le temps d'être moi...»

La discussion diverge de nouveau après cela. Mais cette idée ne me quitte pas, jamais.

Qu'est ce que je veux être, exactement ? Où ? Avec qui ?

Je fini par quitter la serre et je me promène dans le navire. Je passe par les salles, les unes après les autres, en silence.

J'ai dix-sept ans. Je suis censée savoir ce que je veux faire, en temps qu'ultime, n'est-ce pas ? Où est-ce juste une attente que je me suis posée seule et qui est complètement fausse ?

Je me promène. L'infirmerie. Est-ce que je pourrais me voir aider des gens de cette manière ?... Non. Rien que l'idée me semble ridicule. Le terrain de basket. J'aime les sports, mais de là à devenir une athlète me semble peu probable. Le réfectoire. Vivre à plusieurs semble possible. Mais pour faire quoi ? Certainement pas simplement vivre sans ne rien faire de productif. Ma chambre.

Mon carnet.

Mes écrits.

J'ai toujours aimé lire et écrire... Est-ce que je pourrais en faire quelque chose, un jour ? Ne plus être celle qui écoute l'histoire, mais être celle qui la raconte ? Poser des mots, des aventures sur le papier ?

J'ai l'impression que je peux voir cela arriver. Dans une autre vie, avec des gens qui m'aiment et que j'aime. Je peux me voir à un bureau, une femme, ou un homme que j'aime me prendre dans ses bras. Je peux me voir avec des gens, mêmes. Pas qu'une personne. J'ouvre mon carnet, plus de la moitié en est utilisée. Plus de la moitié est un journal de cette histoire. Plus de la moitié me permet de me souvenir. J'en serai bientôt aux deux tiers, bientôt à la fin du carnet.

Qu'est ce qui arrivera quand le carnet sera terminé ?

***

J'ai GALÉRÉ à écrire ce chapitre ahah-

C'est complexe, en vrai, ce genre de trucs à écrire pour moi, je sais pas pourquoi. Mais ouais, sans doute que dans un univers où Atsu a rencontré les bonnes personnes et a été aimée correctement, elle serait devenue auteure après Hope's Peak. Peut-être qu'elle le deviendra après Disrupt, qui sait-

Danganronpa : Disrupt [Fancast]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant