Chapitre 55 : la Tragédie

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Beaucoup plus de monde se trouvait au réfectoire ce midi. Yoshio et moi avons rejoint Jin pour manger, Taiwa-san était avec Nadeshiko-san, cette dernière toujours avec ses béquilles aux bras. Elle en aura encore pour plusieurs jours avec, on dirait.

Le duo a été le premier de nous cinq à quitter le réfectoire. Je les ai rapidement suivi une fois mon repas fini, les garçons me souhaitant une bonne journée. Je décide d'errer un peu, n'ayant pas de chose en particulier à faire aujourd'hui.

Je repense à la demande de Yoshio. Me rapprocher des gens... Avec qui je pourrais commencer ? Ce n'est pas comme si c'était simple pour moi de le faire. J'ai toujours plus été proche de "l'amie d'un ami" que de rencontrer des gens. Même si j'imagine que la situation est assez différente ici.

Par chance, je croise vite Nadeshiko-san et l'approche. Elle a un livre sous le bras et se déplace comme elle peut avec ses béquilles dans les mains. Je vais un peu plus vite et lui offre de prendre son livre, ce qu'elle accepte avec un sourire chaleureux. Je regarde la couverture et ne reconnaît pas le titre, mais c'est encore de la fantasy. Nous avançons dans les couloirs en direction de la bibliothèque du bateau, Nadeshiko-san me racontant avec beaucoup d'excitation l'histoire du roman sous mon bras. Si elle en était capable, je suis certaine qu'elle se serait mise à sauter de joie.

Une fois séparées du reste du navire par les étagères de livres, elle se laisse tomber sur un fauteuil et je lui rend son livre. Je pars quelques secondes prendre de quoi lire également avant de m'asseoir sur le canapé à côté de son fauteuil. Nous restons à lire ainsi en silence et profitant juste de la présence l'une de l'autre quelques instants avant que je n'attrape mon courage à deux mains et essaie de trouver un sujet de conversation.

«Nadeshiko-san ?» Elle relève sa tête vers moi, sortie de son immersion. «Je n'ai pas pu m'empêcher de me demander...

- Quoi, mon ultime ? Ne t'en fais pas, c'est normal de se poser la question ! C'est pas un truc très commun.» Elle rigole un peu et pose son livre sur ses cuisses après avoir marqué la page grâce à une feuille volante. «Qu'est ce que tu sais des restes de la Tragédie, pour commencer ?»

La Tragédie. Ca fait des années qu'elle a cessé, assez de temps est passé pour que des adultes soient assez avancés dans la vie sans avoir vécu cette période de notre histoire. Et pourtant, elle continue d'affecter notre vie de tous les jours. J'ai techniquement gagné mon ultime grâce aux restes de la Tragédie. Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de criminels qui se proclament membres des Rémanents du Désespoir et que j'ai arrêté. Ma première arrestation était celle d'un membre des Rémanents.

Le Japon, bien que d'être le pays au centre de la Tragédie, s'en est très bien sorti dans le monde post-Tragédie. Contrairement à d'autres, toujours en guerre contre des groupes très bien organisés et armés.

«Vous n'êtes pas japonaise, je me trompe ?

- Nope !» Elle me sourit, apparemment j'en suis venue à la bonne conclusion. «Enfin, si, du côté de mon père. Mais ma mère est algérienne, et je suis née là bas !

- Oh... Je vois.

- Et du coup, tu dois savoir que l'Algérie est un des pays encore en guerre contre les Rémanents ?» Je hoche la tête, beaucoup de choses deviennent plus claires dans mon esprit. «Bah quand j'ai eu l'âge, je me suis engagée dans l'armée pour aider mes parents. Il se trouve que je suis forte avec une arme dans les mains et...

- Je vois... Vous avez donc combattu le Désespoir en première ligne ?

- On peut dire ça ! Même si c'est pas un truc que je te recommanderais.» Elle rigole mais je peux voir la manière dont elle sert le pendentif autour de son cou d'une main tremblant légèrement. «C'est beau de vouloir faire quelque chose pour le bien de l'humanité, mais ça n'est pas forcément la meilleure des choses pour toi.

- Vous... Parlez par expérience, n'est-ce pas ?» Elle hoche la tête un peu «Ne vous sentez pas obligée de m'en parler-

- Non, non, ne t'en fais pas. Je voyais quelqu'un une fois arrivée au Japon. Je peux en parler.» Elle lâche son pendentif et croise sa jambe valide sur celle plâtrée, les yeux voilés par une émotion que je n'arrive pas à déchiffrer. «C'est particulier, tu sais ? Notre monde n'a de cesse de parler du Désespoir comme un mal sans réelle forme, sans personne qui le propage. Mais quand tu es sur le champs de bataille, tu te rends compte que se sont des gens comme toi en face. Pas une menace sans visage.

- Vous avez déjà...?

- Tué ? Oui. Plusieurs fois. C'est inévitable malheureusement. Si j'avais hésité, ça aurait été moi, un ami, un membre de ma famille. Comme si on échoue ici, c'est des amis et nous-mêmes qui mourront.»

Je hoche la tête. Je ne peux pas me permettre de la juger sur le sang sur ses mains, elle n'en est de toute évidence pas heureuse ou fière et je me sentirai injuste de la prendre de haut. Après tout, n'ai-je pas aussi du sang sur les mains avec ces exécutions ?

Mais même en sachant cela, mon esprit dérive vers deux autres personnes. Nadeshiko-san et moi ne sommes pas les seules à avoir le sang d'autres personnes pesant sur nos épaules.

«Vous pensez... Vous pensez que votre situation est assez similaire à...

- Celle de Taiwa-kun ? Non, je ne pense pas. Ce garçon a tué pour aider la personne qu'il aime, mais je ne pense pas qu'il l'aurait fait dans d'autres circonstances. Ce garçon a l'air d'être sincèrement un bon gars, et qu'il tient à la vie des autres.

- Je vois, je comprends... Et l'autre tueur ?

- Ne l'appelle pas comme ça, s'il te plait...» Je grimace et regarde ailleurs par honte sous son regard et ton presque déçu. «Bôkyaku-kun m'a l'air... Perdu. Il me fait penser à des soldats que j'ai connu, qui pensaient que leur seule utilité sera toujours de tuer. Ce qui n'est pas le cas, évidemment, mais...» Elle soupire de nouveau et je la vois du coin de l'œil se poser contre le dossier du fauteuil «Il a dû s'en convaincre.

- Je vois, oui...»

Le silence retombe, heureusement sans tension, juste beaucoup plus bruyant que ce que je pouvais imaginer. Elle reprend son livre et moi le mien, mais je suis incapable de me concentrer sur le texte devant moi. Je ne peux pas m'empêcher de penser à ce que Nadeshiko-san a pu vivre. Elle semble avoir mon âge après tout, j'ai encore du mal à imaginer qu'elle ait vécu une chose dont je ne fais qu'entendre parler.

Je sursaute un peu quand un poids à côté de moi me fait tourner la tête vers Nadeshiko-san qui est à présent sur le canapé. Elle me sourit et m'invite à me prendre dans ses bras, ce que j'accepte. Elle passe une main dans mes cheveux après avoir enlevé ma casquette et défait ma queue de cheval. Je ne peux pas m'empêcher de soupirer d'aise et me détendre.

«Ne te torture pas avec ce que j'ai vécu choupette, concentre toi sur ce que tu vis en ce moment, les gens avec qui tu partages ça.» Je hoche un peu la tête et mes yeux se ferment d'eux-mêmes. «Tu es très gentille Masayoshi-chan. Tu t'inquiète toujours tellement pour nous, amis ou non. Mais pense aussi à toi.»

Je hoche de nouveau la tête, et sans que je ne m'en rende vraiment compte, l'annonce de début du couvre-feu arrive, nous invitant ma camarade et moi à retourner dans nos chambres. Elle me rend ma casquette et je laisse mes cheveux tomber sur mes épaules avant de me laisser tomber sur le matelas de ma chambre.

***

Un peu de FTE avec Nadeshiko maintenant, ce qui amène un peu de lore sur ce monde :D J'aime beaucoup parler de ce monde post-Tragédie qui est celui de Disrupt. 

M'enfin, un peu de backstory aussi sur l'origine de son ultime !

Heelu : Thal, t'as réussi à avoir pas un, pas deux mais TROIS personnes qui ont tué et sont toujours vivants. Deux ayant tué dans la Tuerie.

C'était... Pas prévu dès le début de mon écriture ça. >.>"

M'enfin, encore une fois, j'écris en avance de publier hein.

Danganronpa : Disrupt [Fancast]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant