Chapitre 29

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Je suis morte une fois dans ma vie. Si tout se passe bien, je devrais mourir deux fois et ne plus ressusciter. La vie a été cruelle avec moi, elle me fait vivre pour mourir pour mieux vivre puis mourir de nouveau. Une mort éternelle cette fois. Comme tout être sur cette terre nous vivons pour au final mourir. Est-ce que la vie en vaut vraiment la peine ? Pourquoi vivre si la seule issue c'est la mort, le trou noir ? Vivre, pour finir au fond d'un trou, bouffé par l'humidité, quelques vers, et plein de petites bêtes inidentifiables. C'est vraiment le but ? En plus ce n'est pas comme si la vie était agréable. Nous devons étudier, travailler, être de simples objets de la société sans cervelle pour pouvoir s'acheté se qui nous fait vivre. On passe notre vie à la gagner. Exclave de nous-même. On se torture en vivant. Toujours à la conquête d'un temps presque inexistant. Au final, c'est peut-être ça l'Enfer : la vie. C'est comme être contraint à remplir un tonneau d'eau alors qu'il est troué. C'est comme être écartelé par des chevaux sans réussir à mourir. C'est comme boire un verre et toujours avoir soif. La vie c'est quelques choses qu'on essaye d'accomplir sans jamais y arriver. L'homme a créé l'Enfer et le Paradis, pour se rassurer d'une justice divine. Mais si on y réfléchit mieux. Nous sommes tous en Enfer, plus ou moins bien punis. En perpétuelle conquête du temps sans se rendre compte que c'est lui notre ennemi, comme si on voulait chasser un lion sans se rendre compte qu'on est sa proie. Peut-être que dans une chose antérieure, j'ai commis un délit assez grave pour être torturée dans cette vie semblable à l'Enfer.

Au-delà de nos religions, de nos croyances telles qu'elles soient, créations de l'homme, espérances erronées, prières insipides, baratins par dizaines, il existe quelques choses que l'esprit humain ne peut pas inventer. Loin de toutes ces conneries créées de toutes pièces par l'homme lui-même, pour se rassurer, pour fonder les murs d'une société. Ces conneries que les plus apeurés par la vie croient comme si leur vie en dépendait. Nan, sérieux, quand on est un minimum cultivé, doué d'une intelligence un peu plus développée que la moyenne, qu'on s'ouvre au monde, qu'on ouvre les yeux sur toutes les conneries qu'on raconte, on se rend vraiment compte que la vie n'a aucun sens. Mais en même temps pourquoi vivre pour ne pas mourir ? Est-ce que ce serait une sentence sans fin ? Est-ce que dans un monde à des années lumières ça existe ? Une peine éternelle, sans mort, où tous ceux qui naissent sur cette terre y restent pour l'éternité. Les animaux ne mourraient pas, les plantes non plus, nous n'aurions pas besoins de manger, nous vieillirons indéfiniment, comme une vie qui se répète, sans fin, sans but. Dans les deux cas vivre est une torture semblable à l'Enfer, et comme des cons, personnes ne s'en rend compte. J'imagine le soulagement qu'on doit ressentir le dernier souffle venu. Je sais de quoi je parle je l'ai vécu une fois. Je suis morte une fois dans cette vie. Mais ce n'est finalement rien contrairement à ce qu'on pourrait imaginer. Peut-être que dans un monde antérieur je suis déjà morte des milliers de fois. Peut-être que là cette vie n'est pas la première.

- Alyson ça va ? Tu en fais une drôle de tête. Me sonne Kloé en claquant ses doigts près de mon visage.

Je relève la tête de mon sandwich réalisant que je suis partie trop loin dans mes pensées en réfléchissant à des théories à la con. Je lui adresse un sourire qui la rassure presque instantanément. Je me redresse et croque à pleine dents dans mon sandwich. Une brise légère vient mettre de l'ordre dans mes cheveux, les chassant de mon visage. Je reconnecte peu à peu mon cerveau au moment présent. Kloé est à mes côtés, elle a posé ses jambes sur mes genoux, adossée à une vieille barrière en bois. Ses cheveux sont relevés en un chignon désordonné, lunette de soleil sur son nez mangeant la moitié de son visage. Elle porte une jolie tunique de plage aux couleurs de l'eau. Une bouteille d'eau coincée entre ses cuisses, elle finit de manger gracieusement son sandwich en enfournant quelques tomates dans sa bouche. Elle discute de la mode avec Lindsay qui est avachie sur sa serviette rose bonbon, en bikini, profitant du soleil rayonnant pour parfaire son bronzage. West est de l'autre côté de moi lunette sur son nez, il porte son short de bain habituel au couleur bleues chatoyantes, et un t-shirt gris un peu trop grand pour lui. Il boit la fin de son jus d'orange en regardant Thomas qui se trouve à ses côtés, l'air mal aimable. Soulé, blasé, comme à son habitude. Ils parlent de sport avec Brad qui imite un joueur de tennis connu sous le regard avisé de James. Plus je les regarde tous les deux, plus j'ai l'impression qu'il se trame un truc secret entre eux. Leurs regards ont changé, ils se redécouvrent sous un meilleur jour. Est-ce qu'ils s'aiment ? Je secoue la tête pour retirer ses pensées de ma tête. Je retire mon regard de James pour toiser Matt. On ne s'est pas adressé la parole. Il me jette quelques regards parfois, que j'ignore parce que je ne sais pas comment les interpréter. C'est un mélange de haine et d'amour bafoué, de jalousie, de rancœur, lié par une lueur de psychopathe, de pervers narcissique, rongé par un égo surdimensionné. Ce regard change presque instantanément lorsqu'il parle à Lindsay et à Kloé. Il engage quelques petites phrases dans leur conversation. Pour ma part je n'ai pas dit grand-chose. La soirée de Kloé était il y a deux jours et je ne cesse de me remémorer quel fiasco ça a été. Au final Kloé ne m'en a pas voulu, elle ne m'a même pas boudé. A croire qu'elle veut m'épargner une comédie. Elle a même vraiment insisté pour que je vienne au piquenique qu'elle a organisé sur la plage aujourd'hui. Je ne pouvais pas lui refuser ça, même si je n'ai aucune envie d'être ici. Tout le monde a déjà fini son sandwich tandis que moi je le triture sans vraiment avoir faim. Je le remets dans sa boite. Je repense presque instantanément à l'un des premiers pique-niques auquel j'ai assisté il y a quelques semaines. Brunette. C'est comme ça que m'avais appelé Thomas, c'était même lui qui avait fait mon sandwich. Je ne sais toujours pas pourquoi. Peut-être qu'il voulait m'empoisonner après tout plus rien ne m'étonnerait.

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