chapitre 9 : Sindarin

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La communauté fit donc marche arrière dans la tempête, redescendant la montagne avec plus de peine encore. Car ils étaient exténués d'avoir gravit la montagne, et tous ou presque se sentaient malade et transis de froid. Cependant, repasser par le même chemin leur prit beaucoup moins de temps, et au bout de quelques heures, la tempête s'était calmée. Avec soulagement, ils laissèrent derrière eux le manteau neigeux, et retrouvèrent la terre ferme sous leurs pieds.

Ils arrivèrent bientôt au pied de la montagne, et la nuit commença à tomber. Elanor marchait aux côtés d'Aragorn et de Legolas. L'elfe était resté près d'elle durant la descente, et même s'il essayait de rester discret, Elanor sentait ses pas suivre les siens.

Au bout de plusieurs heures de marche, Gandalf décida qu'il était temps de s'arrêter.

- Montons le camp ! déclara t-il. Inutile de continuer dans la nuit, il nous faut du repos et un feu.

Tout le monde acquiesça avec reconnaissance, et surtout les hobbits qui s'effondrèrent à terre, exténués. Elanor aida les hommes à monter le camp, préparant les couchettes des hobbits, puis elle rejoignit Aragorn et Boromir qui était partis chercher du bois.

- Retournez au camp Elanor, lui dit Aragorn lorsqu'il la vit. Nous avons presque fini.

Elanor sentit la fermeté dans sa voix, et elle comprit qu'elle ne devait pas discuter.

Elle hocha la tête, et ramassa un dernier morceau de bois puis retourna vers le campement là où se trouvaient les autres. Après avoir déposé son butin près du feu, elle s'assit à côté de Frodon et ne bougea plus.

Gandalf et Gimli étaient également assis, et n'ayant plus rien à faire ils fumaient leurs pipes. Legolas les rejoignit bientôt, et Elanor le regarda s'approcher. L'elfe s'assit à quelques mètres d'elle, et un papillonnement nerveux lui serra à nouveau le ventre.

Qu'était-ce cette réaction ? Pourquoi se sentait-elle mal à l'aise en sa présence tout à coup ? Ca faisait plusieurs jours qu'elle n'avait plus reparlé avec l'elfe. Pas depuis l'incident avec Boromir.

Elle songea à ce qui s'était passé un peu plus tôt dans la journée, lorsque Legolas l'avait tenue fermement contre lui. La fermeté de son avant-bras, et la chaleur que dégageaient sa peau lui était restée en mémoire.

Legolas sortit tranquillement son arc, et se mit à le nettoyer et examiner l'état de ses flèches. Elanor l'observa, et remarqua ses gestes méticuleux et appliqués. Il avait de longues mains, fines et pâles, qui jouaient sur la courbe du bois. La ligne de sa mâchoire était lisse et carré, et ses yeux étaient concentrés sur ce qu'il faisait, comme à l'accoutumée.

Elle ne se lassait jamais de le regarder. L'elfe avait quelque chose d'hypnotisant, comme tous ceux de sa race. Mais il avait aussi un côté étrange, et parfois il différait tellement de ses semblables qu'elle le trouvait intriguant. Elanor se demanda si tous les elfes de la forêt noire étaient comme lui, ou s'il était le seul.

Elle se rappela de sa dispute avec Boromir, et songea qu'un elfe de Fondcombe n'aurait jamais réagi aussi violemment. Legolas semblait plus sauvage, moins sage et pondéré. Il agissait toujours selon ses instincts, et assurait les arrières de la communauté sans poser de questions.

C'est peut-être cela qu'elle aimait le plus chez l'elfe.

Ca et son regard.

L'observant alors qu'il effilait ses flèches, Elanor se dit qu'elle devait peut-être se trouver aussi une occupation avant qu'il ne se rende compte qu'elle le fixait. Elle déroula une couverture sous elle, puis tira son épée de son fourreau et l'examina.

La lame n'était pas sale, car elle n'avait encore jamais servie contre des ennemis. De fines inscriptions en langage elfique étaient gravées dans le métal, mais elle n'avait jamais su les lire. Elle jeta un bref coup d'œil à Legolas, sachant qu'il pourrait les lui traduire. Elle aurait aimé lui demander, mais elle était trop embarrassée pour oser aller vers lui.

Peut-être le ferait-elle.

Plus tard.

Frodon se pencha soudainement vers elle, et parut très intéressé par son épée.

- Qu'est-ce que cela veut dire ? lui demanda-t-il en essayant de déchiffrer les inscriptions.

- Je ne sais pas. Je ne sais pas lire l'elfique, répondit Elanor.

Frodon parut un peu déçu, et ils ne remarquèrent pas que Legolas avait arrêté de nettoyer ses armes et qu'il s'était tourné vers eux.

- Ceci semble dire « je fus forgée » mais je n'arrive pas à lire le reste, dit Frodon en fronçant les sourcils. Les caractères sont différents de ceux que je connais. C'est bizarre, on dirait pourtant du Sindarin.

- Par Melian, la Maiar je fus forgé. Dans le royaume de Doriath, pour Luthien, fille du roi Thingol.

Elanor sursauta lorsqu'elle sentit un souffle sur sa nuque, et vit que Legolas s'était approché derrière eux.

- Oh vraiment ? Et que veut dire la suite ? demanda Frodon.

- Dans les mains de ceux de son sang je demeure et protecteur de la lumière d'Aman je suis, continua Legolas. Voilà ce que ça dit.

Un léger frisson parcourut les épaules d'Elanor. Legolas quitta des yeux l'épée, et la regarda au même moment où elle se retournait pour croiser son regard.

- Vous avez une épée d'exception, lui dit Legolas.

Elanor ne répondit pas, et tenta de ne pas se perdre dans l'océan de ses yeux bleus.

- C'est incroyable ! s'exclama Frodon. Cette épée aurait donc appartenu à Luthien ?

Le regard de l'elfe était si pénétrant qu'Elanor eut l'impression de perdre tous ses moyens, et elle ne put articuler un seul mot.

Aragorn et Boromir revinrent à cet instant et jetèrent le bois au centre du campement, coupant court à leur échange silencieux. En un clin d'œil, Legolas retourna à sa place et à ses occupations.

L'envoyée des Valar - livre II (LOTR-Seigneur des Anneaux)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant