Elanor n'aurait jamais crut que ces trois jours de voyage puissent être aussi durs.
Aragorn et Gandalf menaient la communauté à bonne allure, et ils faisaient rarement des pauses, seulement pour manger ou lorsque les hobbits étaient trop épuisés pour marcher.
Mais hormis la fatigue, le pire pour Elanor fut d'arriver à préserver son intimité. Etre entourée d'hommes n'était pas si facile. Se laver était quasiment impossible dans ces plaines désertiques. Et aller aux toilettes s'avérait au quotidien... très compliqué.
Ils n'avaient quittés Fondcombe que depuis plusieurs heures lorsqu'elle en avait pris conscience.
Quand Aragorn avait stoppé le groupe pour que chacun puisse aller vider sa vessie, Elanor s'était retrouvée stupidement figée, les bras balans, confronté à un dilemme. Il y avait peu d'arbres derrières lesquelles se cacher, et à la différence de ses amis hommes, qui n'avaient que quelques mètres à faire, elle dut aller beaucoup plus loin pour trouver un coin isolé.
Conformément à ce que lui avait demandé Aragorn, elle fit attention à ne pas trop s'éloigner, mais marcha quand même plusieurs minutes afin d'être sûre qu'elle était hors de vue.
Cela contraignait la communauté à faire des pauses plus longues, et Elanor était à chaque fois la dernière à revenir. Elle se sentit un peu coupable et mal à l'aise de ralentir le groupe, et elle s'attendit à recevoir des remarques désagréables. Mais aucun membre de la communauté ne fit de commentaires.
Frodon l'accueillait à chaque fois qu'elle revenait avec un sourire chaleureux, ce qui lui mettait du baume et cœur et lui faisait oublier sa culpabilité. Les autres attendaient patiemment, et aussitôt qu'elle était revenue, Gandalf relançait la marche.
Même Boromir, qui semblait pourtant supporter sa présence difficilement, ne disait rien.
Le comportement de l'homme était insaisissable, et Elanor avait du mal à cerner sa personnalité. Parfois il était jovial et plaisantait avec le reste de ses compagnons, d'autres fois il était froid et solitaire, et ne parlait pas aux autres. Il évitait soigneusement de se confronter à Aragorn, et ne parlait à Elanor que pour de simples commodités.
En réalité, il l'ignorait la plupart du temps.
Même si elle ne l'appréciait pas, et que leur relation avait commencée sur de mauvaises bases, Elanor se sentait un peu blessée.
Les paroles du Gondorien lui revenaient sans cesse en tête. Dans un premier temps, elle n'avait pu s'empêcher de ressentir du mépris et de la colère envers Boromir, qui l'avait rabaissé et humilié devant le conseil. Mais après être partie de Fondcombe, les choses avaient un peu changées. Elle avait compris qu'entreprendre ce voyage n'était pas une si bonne idée, d'une grande part parce qu'elle était une femme, et qu'il y avait des contraintes auxquelles elle était exposée. Cependant elle ne regrettait pas son choix.
Boromir était un homme honorable, et comme tous les hommes, il avait l'insupportable habitude de croire que la place des femmes était à la maison, bien au chaud avec les enfants. Même s'il n'était pas content qu'elle fasse partie de la compagnie, il avait plus ou moins abandonné l'idée de contester sa présence.
Heureusement, le reste du groupe semblait mieux apprécier sa compagnie, même Gimli qui était pourtant au début assez réticent. Les hobbits lui tenaient compagnie la plupart du temps, et leur présence qui était extrêmement chaleureuse apportait de la bonne humeur à la communauté. Elanor put même avoir quelques conversations avec Gandalf, et découvrit que le magicien était en fait une personne très facétieuse. Gimli était également un compagnon très joyeux, qui aimait beaucoup raconter des histoires, dont certaines blagues douteuses, qui ne faisait pas rire tout le monde.
Un jour où Elanor marchait en compagnie des hobbits à l'arrière du groupe, le nain crut bon de démontrer une nouvelle fois son humour bon enfant.
- Savez-vous pourquoi les bois des elfes ne sont jamais éclairés? demanda t-il, fier de lui.
Merry et Pippin secouèrent la tête, et attendirent la réponse avec impatience. Ils étaient les plus friands parmi le groupe des blagues de Gimli. Elanor le regarda et s'attendit soudainement à quelque chose de très mauvais goût.
- Et bien, parce que les elfes eux-mêmes se prennent pour des lanternes ! s'exclama Gimli joyeusement.
Elanor retint son rire du bout des lèvres, tandis que Legolas lançait au nain un regard noir. L'elfe marchait devant en compagnie de Boromir. Un léger sourire s'esquissa sur les lèvres de l'homme du Gondor, et lorsqu'il se retourna pour regarder Gimli, Elanor croisa malencontreusement son regard.
Elle crût un instant qu'il allait soutenir leur échange, mais Boromir perdit son sourire et tourna vivement la tête. Elanor fixa le dos de l'homme, et ressentit de la tristesse et de l'irritation.
Merry et Pippin riaient gaiement, et demandèrent à Gimli de raconter une autre blague. La voix du nain s'éleva à nouveau dans les airs, à la plus grande exaspération de Legolas.
- Connaissez-vous celle de l'elfe de l'homme mes amis ?
- Non ! Racontez-nous ! s'exclama Pippin enthousiaste.
- Un elfe et un homme sont au bord de l'eau. L'homme veut passer le fleuve, mais l'elfe ne sait pas nager. L'elfe lui dit : attendons la décru, ça ne prendra pas longtemps. Mais l'homme refuse et traverse le fleuve à la nage. Donc l'elfe attend seul la décru, et lorsqu'il veut rejoindre son ami de l'autre côté, il est étonné de ne plus le trouver. Alors il va dans son village, mais il n'arrive pas à le trouver encore une fois, et personne ne sait qui c'est. Vous savez pourquoi ?
Les hobbits secouèrent la tête.
- Et bien, parce que son ami est mort. L'elfe a attendu plus de 100 ans !
Gimli partit dans un rire gras, et seul Pippin l'imita. Elanor se risqua à lancer un coup d'œil à Legolas qui marchait devant elle. Elle remarqua que ses épaules s'étaient tendues à l'extrême, et qu'il se retenait visiblement de se retourner.
- Un nain sur le champ de bataille se retrouve face à un orque. L'orque l'attaque, mais manque son coup. Savez-vous pourquoi ?
Tout le monde retint son souffle, et attendit que Legolas finisse son histoire. Elanor échangea un regard en coin avec Frodon, et le hobbit lui jeta un regard en coin, paraissant aussi inquiet qu'elle.
- Hum, et pourquoi donc ? demanda Gimli en se raclant la gorge, méfiant.
- Parce que le nain était trop petit et que l'épée de l'orque est passée au-dessus de sa tête, répondit Legolas.
Elanor toussa violemment, essayant de dissimuler son rire en vain. Les hobbits eux ne se genèrent pas, et éclatèrent de rire. Pippin riait si fort qu'il se tenait les côtes. Aragorn, Gandalf et Boromir esquissèrent un sourire poli, ne voulant pas froisser leur ami nain, cependant ils luttaient également contre l'hilarité.
Fier de lui, Legolas se retourna et adressa un sourire goguenard à Gimli, et retomba dans le silence.
- Mesurez vos paroles, maître nain. Je crois que vous avez trouvé un adversaire à votre taille, lança Gandalf.
Gimli grommela dans sa barbe des mots incompréhensibles, qui ressemblaient à des insultes et s'empourpra. Il ne raconta plus de blagues sur les elfes jusqu'à la fin de la journée.
La joute verbale entre Gimli et Legolas fut la première d'une longue série. Au bout d'une semaine, tous les deux ne se parlaient plus, et bien grande fut la peine de tout le monde à essayer de les faire communiquer.
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L'envoyée des Valar - livre II (LOTR-Seigneur des Anneaux)
Fanfiction(Suite du livre I - à lire impérativement ) Fille d'aubergiste en Eriador, Elanor ne pensait pas qu'elle se retrouverait un jour mêlée aux conflits de la Terre du Milieu. Alors que les rumeurs d'une guerre au Sud se font de plus en plus entendre, s...