chapitre 30 : doutes

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Aragorn et Boromir n'avaient pas bougé de leur coin près du fleuve, et entretenait une longue conversation. Le Gondorien ne cessait de défendre l'utilité de se rendre à Minas Tirith.

- Minas Tirith est la route la plus sûre, déclara Boromir. Vous le savez. De là nous pourrons nous regrouper, pour nous préparer à nous battre pour le Mordor en force.

- Il n'y a plus de force en Gondor qui puisse nous être utile, répliqua Aragorn.

- Vous avez été prompt à faire confiance aux elfes !

Boromir désigna Legolas, allongé au loin, avec véhémence.

- Avez-vous si peu foi en votre peuple ? l'accusa Boromir.

Son ton monta, et Aragorn jeta un regard nerveux vers le reste de ses compagnons endormis. Aucun n'avait bougé, cependant si Boromir continuait à s'énerver il ne tarderait pas à réveiller tous les environs.

- Oui il y a de la faiblesse, continua Boromir. Oui il y a de la fragilité, mais il y a aussi le courage et le sens de l'honneur chez les hommes. Mais vous ne le voyez pas !

Aragorn se détourna, voulant mettre un terme à la conversation. Mais Boromir le saisit violemment par la tunique et le ramena vers lui.

- Vous avez peur ! Toute votre vie, vous l'avez passé caché dans l'ombre ! Effrayé de ce que vous êtes, de qui vous êtes !

Boromir lui cracha ses mots au visage, et Aragorn le regarda avec mépris. Le Gondorien, surpris, parut alors comprendre l'étendue de son geste, et sa colère retomba.

Se débarrassant de sa poigne, Aragorn remit de l'ordre dans ses vêtements et se pencha sur Boromir, menaçant.

- Je n'emmènerais pas l'anneau à moins de cent lieues de votre cité, lui répondit-il. Et cela même si nous sommes en danger de mort !

Boromir se renfrogna, et courba l'échine. Aragorn lui tourna le dos, et alla s'installer près du feu qui crépitait doucement dans la nuit. Après avoir ruminé durant plusieurs minutes, Boromir décida de laisser tomber et d'aller se coucher.

Frodon sentit l'homme passer près de lui, et sa simple présence suffit à le faire tressaillir. Il crut même un instant sentir le regard de Boromir dans son dos, mais l'homme s'éloigna et la tension de Frodon s'évanouit.

Il put alors s'endormir. Au milieu de la nuit, Legolas se leva pour relever le tour de garde.

- N'allez-vous donc pas dormir? demanda t-il à Aragorn, ne le voyant pas bouger.

- Pas pour l'instant. Je n'ai pas sommeil.

- Vous devriez vous reposer avant demain matin.

Aragorn leva les yeux, et dévisagea l'elfe.

- Vous avez tout entendu, n'est-ce pas ?

Legolas acquiesça honteusement.

- Vous ne devriez pas écouter ce qu'il dit, affirma-t-il. Les paroles de Boromir sont motivées par la volonté de l'anneau.

- Néanmoins il a raison sur un point, répondit Aragorn. Je n'ai jamais voulu de tout ça. Et je me suis toujours caché face aux responsabilités qui m'attendaient.

- Vous ne fuirez pas le moment venu. Un jour vous serez roi du Gondor.

Aragorn dévisagea son ami. Il semblait si certain de ce qu'il disait que parfois on aurait dit qu'il annonçait véritablement des évènements futurs. C'était la particularité des elfes, qu'Aragorn avait appris à connaître, mais qui n'avait cessé de l'intriguer.

- Et vous, le roi de la Forêt Noire, répliqua Aragorn.

Il oubliait parfois qu'il avait affaire à un prince, et de plus, au fils unique de Thranduil.

Legolas sourit doucement.

- Oui, qui sait, dit-il amusé.

Legolas n'avait pas changé en apparence, et la fatigue ne se reflétait plus autant dans ses traits contrairement aux dernières semaines. Cependant, Aragorn le connaissait assez bien pour savoir qu'il n'allait pas bien. Il ne souriait pas autant, et ces moments de plaisanterie étaient rares.

La lueur dans ses yeux bleus ne mentait pas.

- Comment allez-vous Legolas ? Je vous connais assez bien pour savoir que quelque chose vous pèse.

L'elfe leva la tête et le regarda. Il parut vouloir répondre, mais ne parvint pas à ouvrir la bouche. Finalement, il baissa les yeux et se saisit machinalement du collier qui lui entourait le cou. Pour la première fois de son existence, Aragorn vit une émotion de fragilité se refléter sur son visage.

- Je n'avais pas réalisé, continua le rodeur, gêné par le silence et le malaise de son ami. Jusqu'à la Moria... vous l'aimiez, n'est-ce pas ?

Legolas ne lui répondit pas, mais son silence suffit à Aragon à confirmer ses soupçons. L'elfe ferma les yeux, et Aragorn s'en voulut d'avoir ravivé la douleur de son ami.

Il décida donc de le laisser seul, et se retira dans cet instant d'intimité.

- Garo daw vaer, melin, soupira Aragorn.

Il se leva et posa brièvement sa main sur l'épaule de Legolas, avant d'aller se coucher auprès de ses compagnons.

L'elfe resta près du feu, plongé dans ses pensées, une larme solitaire coulant sur sa joue.

OOO

Garo daw vaer, melin : Bonne nuit, l'ami.

L'envoyée des Valar - livre II (LOTR-Seigneur des Anneaux)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant